:: MALFEARN :: Port District :: Ragged Baron
Spiderweb ft. Ben
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Enid Murdoch
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« On raconte que les enfants qui se perdent dans la ville un soir de pluie finissent dévorés par les Sirènes de l’Averse. Le seul moyen d’échapper à ses créatures serait de trouver d’autres enfants perdus et de ne jamais s’éloigner d’eux. On raconte aussi que les sirènes trouvent toujours un moyen de s’insinuer dans les groupes les plus soudés. Par les mauvaises pensées, par la peur, par la faim, par le manque, par la solitude enfin, elles emportent leurs victimes les unes après les autres pour les manger dans les ténèbres. A la fin, un seul enfant perdu parviendra à retrouver le chemin de la maison. Des autres, on n'entendra plus jamais parler.»
Les Enfants de L'Averse, Livre I.
Les Enfants de L'Averse, Livre I.
Elle fixe d’un sale œil au beurre noir les carreaux dépolis que la pluie torrentielle bat de ses tourments. Elle déteste les jours où le ciel semble s’être pris la cuite de sa vie et qu’il dégueule, comme ça, sans discontinuer, sans prendre la peine de s’enfiler un citrate de bétaïne. Les gouttes grasses qui glissent sur le verre comme un glaviot immonde, l’odeur rance du bitume chaud et détrempé, les couleurs criardes, les squelettes métalliques des parapluies.
Et les décorations de Noël qui transperce dans la brume vespérale.
Sérieusement, ça la fume. Parce c’est là, dehors et que Need, elle, est coincée à lécher ses plaies.
À l’intérieur. Comme une enfant punie. Comme au Centre.
Impuissante.
Ca fait plus d’une semaine.
Elle n’arrive pas à se calmer.
Elle a merdé.
Comme d’habitude.
Les pommes tombent jamais très loin d’la branche pourrie. Le Vieux, il disait ça. Et il disait aussi : « C’est la négligence qui tue, Need ».
Putain.
Sa prunelle valide se braque sur le mur en briques nu. Un patchwork hétéroclite de chronologies, de photographies pixélisées, d’articles de canard putassier ou de feuilles de chou, tirées de journaux locaux miséreux où une main nerveuse a entouré avec force de conviction, en rouge criard, comme autant de tâches de sang dans les vieux films de série B. Des documents légaux ont été épinglé avec davantage de soin. Au centre, un visage revient, c’est toujours le même.
Le temps, lui, semble déconner et pas prendre le temps de prélever son dû.
Il y a des fils, aussi qui étendent leur toile grotesque sur toute les Iles Britanniques.
Ça se rapproche. Ou ça a toujours été là. Ça lui fait une belle jambe à Need. En vérité, elle s’en tape le coquillard avec une babouche. Ce qu’elle sait, c’est que ça doit disparaître. C’est une urgence qui roule dans ses veines, qui l’a fait délirer des ombres dans les brumes, qui lui fait voir des choses abjectes dans les reflets, dans les empreintes et les traces de ceux qu’ils traquent.
Ce sont des intuitions. Et parfois ça la trompe. Et c’est pas comme si les erreurs étaient réparables dans son boulot. Les comptes, elle finirait bien par les rendre, mais sans déconner, si cela pouvait ne pas être aujourd’hui, elle en remercierait bien le Créateur. Ciel, elle se noierait bien dans un blend 20 ans d’âge mais si Jakob l’apprenait, elle en était quitte pour un rosage en règle. Ses côtes n’y survivraient pas.
Elle doit se reposer. C’est sans compter le craquement sinistre du bois de l’escalier qui signalait un visiteur impromptu. Se hissant avec difficulté sur ses jambes tremblantes, elle fourrage rageusement une poignée de vêtements sales mêlés de bandages sanguinolents sous le lit. Le ménage attendrait.
« Qu’est-ce que tu m' veux ? ».
La chaînette barre l’entrée mais elle perçoit bien, dans l'interstice, la chemise à carreaux puis la trogne accidentée de Ben. Clairement, elle a pas envie de causer la môme. C’est bon, il a déjà pris la peine de l’assaisonner comme il le faut sur le chemin du retour. Peut-être même qu’il lui a foutu une beigne. Elle lui en tient pas rigueur parce que c’était mérité.
« Si c’est pour t’enquérir de ma bonne santé, Alléluia, je suis encore en vie. Merci.»
Need aime montrer les dents mais devant ses aînées, elle a surtout appris à fermer sa mouille. Là, elle défend son territoire. L’a pas le droit d’y foutre son panard sans son autorisation, sinon c’est le sien qui viendra lui botter le derche. Pourtant, ça cliquète de son côté et elle laisse la porte ouverte derrière, elle.
Son poids écrase un canapé qui a sans doute vécu la guerre des deux roses et elle ajoute avec morgue :
« T’enlève tes grôles, j’veux pas de boue et de poiscaille sur mon parquet grand teint. J’ai rien à boire et rien à becter. Si c’est pour m’engueuler, j’crois que j’ai failli crever, donc on va dire que la vie a déjà pris sa compensation. Et si après ça, tu veux encore causer, sens toi libre. Je ne te garantis pas l’écoute. J’ai des acouphènes depuis que la Banshee nous a dégoisé dessus ».
Ben Pacheco
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@Enid Murdoch & @Ben Pacheco
Tu sors d’un commerce en fourrant un paquet de clopes au fond de tes poches, ignorant les regards que ton visage tuméfié provoque chez les gens que tu croises. C’est que tes ecchymoses se font un plaisir de prendre toutes les foutus couleurs de l’arc-en-ciel pour ton plus grand déplaisir, en plus d’être désagréablement sensible. Foutue gosse de merde.
Tu t’en carre le cul qu’elle soit pas si jeune, c’est son comportement qui lui vaut l'appellation. T’es pas certain de comprendre encore à quoi est dû sa connerie, parce que t’as hurlé fort dessus et t’as pas écouté grand chose après que vous ayez réussi à vous en sortir vivant. T’as peut-être cogné aussi et si t’en es pas fier, t’en est pas désolé non plus.
Et depuis c’est le silence radio. Pas que vous entretenez des échanges si réguliers, mais quand même, t’as aucune idée de comment elle s’est géré après ça et en tant qu’annihilateurs, vous êtes assez en dehors du clan pour constituer des cibles de choix pour un unseelie désireux de dépiauté un hurleur, peu importe lequel.
T’es jamais entré chez Need, mais tu sais où c’est. Tu montes un escalier qui proteste sous ton poids et annonce sans aucun doute ton arrivée, ce qui est malin.
Ton porche rend peut-être la pareil, tout comme ton allée en gravillons qui crissent sous les pas.
Tu cognes et la porte s’entrouvre la chaînette claquant lorsque que tiré au maximum et tu entraperçois la sale gueule de ta comparse qui a rien à envier à la tienne. Et c’est qu’elle est de bonne humeur, en plus. Tu as un vague rictus alors qu’elle montre les dents et se rebiffe sans que t’ais eu le temps de dire quoi que ce soit. Dans tous les cas, elle ouvre quand même la porte tout en continuant de râler et tu entres en abandonnant tes souliers dans l’entrée.
”Salut, gamine. Je vais très bien, merci. Juste voir si tu t’étais pas définitivement vidé de ton sang sur ton parquet. Ou que notre pote était pas venu finir son boulot vu qu’on est visiblement pas foutu de faire le notre.”
Tu découvres son appartement avec un regard un peu intrigué. La gosse reste mordante, donc c’est bien. Elle a l’énergie pour l’être et s’est pas empêtrée dans des sentiments à la con qui lui ferait perdre ses chances de survie en tant qu'annihilatrice.
”Je t’ai déjà engueulé. Je me fous bien de la compensation de la vie.”
Tu t’avances un peu vers elle et son canapé qui à l’air absolument ignoble quand ton regard est attiré par quelque chose sur le mur. Tu fronces les sourcils et oublie ce que tu t'apprêtais à dire pour te planter devant et rester silencieux quelques secondes.
Bordel à quoi elle joue, celle-là.
”Tu t’es cru dans un film, Need?”
Ton ton est sec, t’es pas certain d’aimer beaucoup ça.
Enid Murdoch
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« Arrête de chialer, t’es en pleine forme. Ça t’a même un petit peu arrangé le portrait, si tu veux mon avis. Moins laid qu’hier, plus beau que demain, c’est pas ça qu’on dit ? »
Enid, elle se demande, avec une crainte légitime, comment Ben va prendre ses petites activités extra-scolaires. Sans doute mal. Parce que bon, faut pas s’attendre à plus d’la part de ce chien de la casse. Il vous dira que la rédemption, ça s’apprend pas. Faut s’y consacrer entièrement, œil pour œil, dent pour dent, blessures pour blessures et tant que t’as pas payé ta dette, et que tu peux encore roter du sang, t’as pas fini. La douleur devient alors l’unique mètre étalon d’une existence bien menée et c’est jamais assez.
Mais, Need, elle gage que c’est facile à dire de sa part – parce qu’il a merdé de son plein gré. Rien l’obligeait, lui, à céder aux Sirènes. Alors, il pouvait juste bien fermer sa gueule et la laisser voir ses songes émerger d’entre les brumes. Quant à ses tentations masochistes, il pouvait bien se les carrer là où il voulait, ça lui faisait une belle jambe.
Faut dire qu’elle en avait parfois ras le pompon de se faire casser la gueule. C’est pas la souffrance elle-même que l’idée même de la punition. Toute sa putain de vie, les autres avaient jugé bon de la corriger pour ce qu’elle était, pour ce à quoi elle aspirait, pour avoir caressé l’espoir d’être autre chose que la somme de ses actions et des conséquences dégueulasses qui allaient forcément avec.
C’est fini. Au fond de son canapé miteux, elle se le jure.
Ben inspecte le mur. Elle se tend. Rapport au limier qu’elle sent remuer en lui. Il tourne autour de son petit travail plastique, en mesure les suites, en hume presque le parfum d’interdit. Elle voit bien dans son regard, l’incrédule stupeur où se mêle l’envie viscérale de se gausser. Encore une de ses bizarreries, à la pisseuse. Qu’est-ce qu’elle a encore inventé pour meubler ses soirées en solitaire ? Un jeu de piste ? Un jeu de rôle ? Un jeu auquel elle n’a aucun droit de jouer.
Pas de passé. Pas de présent. Pas d’avenir.
Les annihilateurs à la niche et le troupeau sera bien gardé. Y a pas moyen que le chien de berger s’adonne à la généalogie lupine alors que les moutons se font becquer là dehors. Sinon, ça serait la chienlit, n’est-ce pas ?
Et adieu veaux, vaches, cochons.
C’est pour cela qu’elle s’étonne quand il déchire pas d’un geste théâtral l’œuvre de sa vie.
Elle reste silencieuse – pas parce qu’elle a été prise la main dans le pot de confiture mais parce qu’elle a envisagé de se battre, de se retourner contre un frère. C’est la première fois que ça la traverse, cette sensation furieuse d’être dans son bon droit – le rouge lui en monte presque aux joues. Et c’est pas de la honte, non, c’est de la colère. Ca en à toute la cuisante saveur.
« J’aimerai bien, Ben, qu’ça soit un de tes putains de polar, mais j’chuis pas Jodie Foster (quoiqu’elle aurait bien aimé, parce qu’elle était sacrément jolie et distinguée). Mon Buffalo Bill, c’est pas juste un mec avec un bichon maltais qui veut se faire un manteau en peau de gonzesse. C’est lui.
Elle s’est levée et a pointé un visage étrangement juvénile sur l’une des photographies.
« La Mary Lwyd. Il est venu le soir de Noël. Il a chanté le premier couplet et a demandé à entrer même si c’était pas son territoire. Les parents, ils ont accepté et tout est devenu fou. »
Son index tremble légèrement alors qu’elle continue à toucher le papier glacé. A droite, des documentaires folkloriques – un crâne de cheval surmontant un linceul blanc.
« Il est ici et je dois le détruire – Il en va de mon absolution. »
Ben Pacheco
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@Enid Murdoch & @Ben Pacheco
”Foutue chieuse, va,” que tu réponds plus pour la forme que le fond, te fichant bien de l’état de ta gueule ou d’une quelconque notion de beauté.
Et puis là tout de suite, t’as plus intéressant à regarder. Ton regard parcourt les entrelacs de fils rouges, de punaises, de photos. Notes, dessins et autres joyeusetés. Une bêtise de détective improvisé et tu pourrais presque imaginer Need se baladant avec une cape et une loupe tordue. Tu lui jettes un bref regard.
C’est qu’en plus, elle est fâchée. Comme si c’était toi qui avait fait une connerie en posant les yeux sur son bordel. Fallait lui trouver une meilleure cachette que dans son foutue salon, même si c’est pas comme si cet appartement offrait nombre de cachettes.
Elle allait pas le faire sur le mur des chiottes et laisser le papier bouffer toute l’humidité de ses douches.
Tu l’écoutes faire ses grandes phrases bourrées de références en la regardant du coin de l’oeil. Tu connais les grandes lignes de son histoire, à la mioche, mais pas les détails. Et tu ne peux que constater que malgré le temps et son âge à l’époque, elle court derrière sa némésis. Ton regard s’attarde sur la photo, tu sais que si tu le vois, tu le reconnaîtras, t’as une bonne mémoire des visages.
Tu peux pas vraiment lui reprocher d’avoir cet unseelie dans le viseur. Tu cours pas après celui qui à tué ta soeur, il a disparu même si tu en as bien cherché les traces un temps avant de laisser ça de côté. Il est rendu loin et tu ne veux pas quitter ta région natale pour des années de poursuites de par le monde. Peut-être que tu aurais dû, mais maintenant la piste est froide, mais tu sais que s’il revenait ici, tu le débusquerais et le tuerais. Tu tuerais même cette garce manipulatrice dont il s’est amouraché -à ton instar-, toute humaine qu’elle soit et quand bien même ce serait répréhensible. Foutu pour foutu.
Dans le cas d’Enid, ton problème, c’est pas ses délires et ce qu’elle fout de ses temps libres, ou même qu’elle risque sa peau en courant après cette créature. Ton problème c’est qu’elle déconne quand elle croit voir sa silhouette alors même que vous bossez et qu’elle te foute toi dans la merde.
Tu te tournes vers elle, sans toucher à son stupide mur.
”C’est ton taf de tuer ces saloperies. Cours après celles que tu veux.”
Tu lui coules un sourire aux sous-entendus de menaces.
”Mais la prochaine fois que tu nous chies un travail à cause de celui-là, je me chargerai de lui et je te laisserai courir comme une conne après un cadavre que tu trouveras pas. T'auras l'air maline avec ton absolution.”