Maelström
Le Deal du moment :
Machine à café dosette Philips SENSEO ...
Voir le deal
49.99 €


Folie furieuse

2 participants
Sybil Blackwood
Sybil Blackwood

Folie furieuse

Trouble mental accompagné de manifestations de violence.@Angus Mckie

XX.1994
tw : néant
La ford fiesta rouge du Dr Blackwood roulait à tombeau ouvert dans ce personnage dénué de toute trace humaine. Elle allait bientôt arriver sur l’île d’Awel, sa vitre conducteur ouverte en grand. Son regard restait perdu dans les vagues au loin alors que ses cheveux s’emmêlaient à cause du vent. Heureusement qu’on ne croisait pas grand monde sur cette route. Elle relevait le volant par à coups, glissant imperceptiblement vers la mer, comme si elle voulait s’y enfoncer.
Une grande lassitude l’avait saisie au cours du trajet. Elle avait eu envie de faire demi tour, aller se baigner, suivre ses envies au lieu d’honorer ce rendez-vous. A quoi bon ? Le Dr Blackwood n’était pas psychiatre, elle n’avait même aucune appétence pour la matière, alors qu’est-ce qu’elle était allée faire dans cette situation ? Les tourments des âmes humaines avaient cessé de l’intéresser il y a longtemps. Des éclats de passion pouvaient encore lui faire tourner la tête mais elle sentait bien que sa nature l’attirait irrémédiablement vers d’autres rivages que ceux de l’esprit humain.
Néanmoins, elle roulait en direction d’Awel, avec 5 modèles différents d’entretiens psychiatriques dans sa sacoche. Sybil Blackwood n’était pas du genre à laisser son destin au hasard.

Son esprit dériva vers ce qui l’avait amené là. Un mail tout d’abord, reçu sur la boîte mail professionnelle du laboratoire de médecine légale. Il s’agissait d’un transfert d’un mail envoyé des services pénitentiaires aux services judiciaires. Le procureur, au vu des relations privilégiées avec le labo, avait naturellement dirigé le mail vers les membres du corps médical qu’il connaissait le mieux, fruit d’une étroite collaboration sur des affaires judiciaires. Le procureur n’avait que peu de contact avec le reste de l’hôpital. Sybil avait donc renvoyé l’information au service adéquat de St Madeline. Elle n’avait pas fait plus attention que cela au contenu du mail. Le seul mot qu’elle avait retenu c’était remise de peine.
L’hôpital étant un petit milieu, un village dans la ville, les psychiatres manifestement déjà bien occupés avec les cas locaux avaient renvoyé la balle aux urgentistes qui avaient renvoyé la balle au service de médecine générale. Et c’est par ces échanges que Sybil avait fini par entendre, bien malgré elle, au détour d’un couloir, une discussion dont elle n’avait qu’une partie.

Enfin bon on a autre chose à faire que de récupérer des cas sociaux de tout le pays. Et c’est pas tout, il faudrait être accompagné par un flic, on ne sait même pas ce qu’il a fait ce gars-là. Ça me met mal à l’aise
Oui je sais … moi aussi je suis débordé. Ils croient peut-être qu’on a que ça à faire.
Eh bien s’ils s’en foutent je m’en fous aussi de leur criminel. Au pire il retournera en taule et ça fera moins de boulot.
Tu sais qu’ils l’ont envoyé au Dr Robot à la base.
Arrête arrête je vais me pisser dessus. Dzit dzit bonjour humain de la planète Terre qu’avez-vous dans votre cerveau ?


L’éclat de rire qui suivit s’enfonça très loin dans les entrailles de Sybil. Une sensation désagréable l’envahit mais elle passa tout de même devant la porte, le silence qui l’accompagna fut plus assourdissant encore que le rire.
Sybil ne savait pas si ce qui l’avait poussée à relire le mail. Le fait que le pauvre bougre risquait d’être récupéré par les services pénitenciers ? Cela semblait étonnant, elle peinait déjà à avoir de l’empathie pour ses proches alors un inconnu. Une fierté mal placée, une colère suite aux moqueries ? Sybil n’en attendait pas moins de ses collègues. Une curiosité par rapport à la matière ? Elle l’avait toujours pensé : la psychiatrie ce n’était pas fait pour elle. L’envie et le temps pour dépanner des services de justice ? Pas le genre. Une attirance mystérieuse qui la poussait à aller voir ce qu’il se passait chez les illuminés ? Peut-être l’explication la plus probable.

Statue de marbre assise, droite, imperturbable, sa sacoche de cuir sur les genoux, sans même avoir enlevé son grand manteau. Elle voulait faire bonne impression. Il fallait que ce nouveau patient ait confiance en elle. Contrairement à tous ses autres patients pour lesquels elle n’avait pas besoin de leur accord pour les soigner, ces patients qui finissaient par lui faire confiance. Cette fois-ci pour soigner il fallait d’abord qu’il fasse confiance.
Fallait-il qu’elle sourie ? La dernière fois qu’elle avait essayé une enfant lui avait dit qu’elle ressemblait au personnage de ce film sorti trois ans auparavant, Mercredi Addams.
Elle se concentra alors, se remémora de doux souvenirs avec son père et sa voix grave. Ce père qui ne l’avait jamais jugée et qui accueillait les choses de ce monde comme elles étaient.
C’est ainsi que, sans sourire, son regard fut plutôt doux lorsqu’elle se leva pour serrer la main de son nouveau, et seul, patient de psychiatrie. Et, qu’elle n’eut ni recul, ni méfiance, ni dureté envers cet homme qui avait pourtant du en connaître.

« Enchantée, Dr Blackwood.  »

Elle ne jugea ainsi ni l’allure de ce grand bonhomme à la tignasse brune, ni son air tendu. Elle était là pour une mission simple et elle comptait s’y tenir.
Sybil avait déjà préparé mentalement ce qu’elle allait faire, à commencer par un checkup physique de ce Monsieur. Elle regarda autour d’elle, surprise qu’on ne l’aie pas conduite dans un endroit plus confidentiel.

« Vous… il n’y a pas une salle plus ... fermée ? »

Le secret avait toujours été sacré pour Sybil, et le secret médical était une obligation professionnelle qu’elle avait toujours scrupuleusement respecté.
Sybil tout à sa tâche, ne s’était ni rendue compte de l’aspect rudimentaire du village, qu’il n’y aurait sans doute pas de salle médicale avec un canapé, elle n’avait pas vu non plus les regards en coin, appuyés, elle n’avait pas senti la méfiance peser sur elle et son air de dame de la ville. Ce qu’elle avait vu c’était les vagues, ce qu’elle avait entendu c’était ses cours qu’elle répétait mentalement ainsi que les éléments du dossier médical. Le reste était poussière.
Poussière qui posait un problème. Où allait-elle pouvoir recueillir sa parole, librement ? Si tant est qu'il ait la parole libre.


Hors RP:
Angus McKie
Angus McKie
TW : Psychophobie, violence, vulgarité

I'm so happy 'cause today I found my friends
They're in my head
I'm so ugly, that's okay, 'cause so are you
Broke our mirrors
Sunday morning is everyday, for all I care
And I'm not scared
Light my candles in a daze
'Cause I've found God

Lithium - Nirvana

"Ton médecin t'attend dans la salle commune, McKie."

Tu l'entends pas, Hugh. Enfin pas vraiment. Y fait pas l'poids avec Nirvana qui hurle dans tes écouteurs. Des jours que t'écoute Nevermind en boucle, comme si l'petit-Jesus lui-même allait te l'confisquer à jamais. On plaint l'demeuré qui osera t'dire d'éteindre ton Walkman. Kurt Cobain passe avant Dieu.

Hugh. Y reste planté là, l'enfoiré, avec c'te curiosité malsaine des vieux pervers. Tout l'village est en chaleur parc'que tu r'cois d'la grande visite du continent. Tu parles! Y peuvent pas croire que l'on a permis qu'un hérétique pose son cul en plein milieu des Terres Sacrées. Et ça chuchote, dans les chaumières. T'es pas l'seul paria, ici. T'es certainement pas l'seul type dans l'patelin à avoir un casier judiciaire et à vouloir t'faire oublier. Pourtant, ceux-là, l'gouvernement les a déjà enterrés.

Pas toi.

C'est l'nouveau Jules de Moïra qu'est allé minauder l'Père à ta place. Tu t'étais plus présenté à tes rendez-vous, à Cardiff et c'tait branle-bas d'combat, dans l'comité d'libération conditionnelle. On pouvait pas laisser un animal d'ton genre s'promener en pleine nature, encore moins en plein milieu d'une commune de barjots et d'leur colère divine. Soit tu reprenais ta thérapie, soit tu r'tournais en cage.

Était-ce parce qu'il t'avait à l'oeil? L'Saint-Père-des-Jobards avait proposé en ton nom qu'ce soit l'Hôpital qui s'déplace, pour une fois. Parce qu'on avait b'soin d'toi ici. Parc'qu'on aimait pas les ouailles qui traînaient tout seul en ville, à la marée haute. Pour ton bien.

L'cirque aurait lieu dans la salle commune, avant l'sermon de Vêpres. Voilà. T'avais accepté comme un enfant sage. Tout pour pas r'tourner en cage.

"Tu n'y vas pas?"

Tu finis par j'ter l'marteau par terre et tu t'relèves péniblement avec l'air des mauvais jours, le bras autour des côtes. T'es mal tombé, en travaillant su'l toit des Jones, hier et t'as la cage thoracique qui t'rappelle sa présence à chaque respiration. Faut pas t'faire chier, aujourd'hui.

Petit coup d'Ventolin pour la route, t'as même pas pesé sur Stop. Cobain continue d's'égosiller. Suffit d'lancer un regard noir au nigaud pour qu'y s'barre. Tu craches par terre. Comme si la charpente d'la baraque allait s'réparer toute seule!

Un autre p'tit coup d'pompe avant l'entrée dans la salle à manger.
Deux chaises bancales face à face, en plein milieu d'la grand-salle, dans la lumière laiteuse de l'après-midi. Tes caps d'acier sales tonnent, sur le plancher d'bois. Y z'ont poussé les chaises et les grandes tables, pour vous faire un peu d'espace. Ta pompe de Ventolin toujours à la main, tu ignores la main tendue pour t'écraser sur l'trône de l'heure, les mains dans les poches de ton hoodie, les jambes bien écartées pour laisser respirer les bijoux d'famille. Tu t'laisses aller contre le dossier, livide de tes muscles qui t'crient en coeur les alléluias d'une position d'semi-repos. C'est ça, la trentaine? L'dos toujours en bouillie? Bordel.

Ça t'prend un moment pour daigner faire glisser tes écouteurs le long d'ton cou. Tu lui jettes un coup d'oeil désinteressé, derrière tes mèches grasses. Tu t'attendais pas à une meuf. Encore moins à une gonzesse aux proportions d'poupée Barbie laissée trop longtemps dans l'eau d'Javel. Tic nerveux. Tu t'enfonces l'petit doigt dans l'oreille pour t'débarrasser d'un excédent d'cerumen imaginaire. Barbie est faite de plastique. Pas la donzelle en face de toi.

T'es pas sûr d'avoir compris son nom. Ça a pas vraiment d'importance.

"Angus McKie."

Ton nom est lancé mécaniquement d'une voix rauque, comme si c't'était toi, l'automate d'la pièce. Tu la regarde détailler son champ d'bataille de ses (trop?) grands yeux d'biche. Elle s'attendait à quoi? À du mobilier Louis-XVI? Tu renifles bruyamment.

" L'confessional est déjà pris, y parait. C'pas comme si y's'préoccupaient vraiment d'vot' vie privée, en prison. C'la même chose, ici. Ça existe pas."

Tu hausses les épaules, résigné. Déjà, tu vois des ombres, derrières les carreaux sales, dehors. Tu soupires.

"Alors, doc. C'est quoi l'plan d'match?"
@Sybil Blackwood
Sybil Blackwood
Sybil Blackwood

Folie furieuse

Trouble mental accompagné de manifestations de violence.@Angus Mckie


« Bonjour Angus. »

Un nom presque romain, un nom qui ouvre, qui claque puis qui finissait avec douceur. Il aurait plu à son père.
Elle avait tenté l'approche plus familière, parce que de toute manière elle finirait par le voir nu de l'intérieur, enfin s'il acceptait de se déshabiller ce qui ne semblait pas gagné d'avance.
Il avait encore une pompe à Ventoline, ça elle le vit tout de suite. Elle n'eut pas besoin de noter sur son carnet, parce qu'elle avait bonne mémoire mais surtout parce que Angus McKie, était son premier patient en thérapie, cela comptait suffisamment pour marquer son dossier dans son esprit au fer rouge.

Il était sale, visiblement elle le dérangeait dans une occupation. Pas la peine d'être un humain empathique pour comprendre qu'il venait ici à contrecoeur. Il reniflait, ses mots étaient crachés, il avait mis du temps à retirer ses écouteurs. Pourtant Sybil était un animal à sang froid, un reptile en embuscade. Elle se tint à distance, immobile, patiente. L'attitude du jeune homme ne la fit pas vaciller. Elle n'avait rien à perdre, au pire elle partirai rejoindre son laboratoire, son manoir, les longs couloirs froids de la morgue.

Son sourcil se leva néanmoins. Le confessionnal, la prison... la comparaison était étrange pour quelqu'un qui était enfin libre, ou qui était censé l'être.

« Sauf qu'ici, il n'y a pas de barreaux aux fenêtres. »

Sybil avait toujours vécu dans l'intimité de son manoir où les secrets étaient préservés jusqu'à l'extrême, jusqu'à ne pas connaître les personnes les plus proches de soi. Sybil était à l'opposé de ces endroits sociaux qui sentaient la sueur et la communion. Ce qu'elle chérissait c'était l'intérieur, le vide, la solitude. Même si elle était attirée, comme un papillon de nuit sur les sources de chaleur, comme celui qui brûlait dans les muscles saillants de l'énergumène en face d'elle.

Elle attendit quelques instants pour lui répondre. Il y avait quelque chose de vulnérable entre ces deux individus, l'une qui devait s'intéresser et l'autre s'ouvrir. Quelque chose qui ressemblait à un premier rendez-vous forcé sous les feux des projecteurs. Sybil était dans la position de pouvoir, son rôle était de mettre à l'aise son sujet. Ce qui n'était pas son fort. Aussi, elle mima les humains qu'elle avait déjà observé, les charmeurs, les charismatiques.
Un fin sourire s'étira.

« Je préfère déjà que vous sachiez avant tout que je ne suis pas psychiatre de formation. Ensuite, le plan c'est d'évaluer votre maîtrise de vous, si vous êtes un danger pour les autres et que vous devriez retourner en prison ou non. Quand je veux dire maîtrise je parle de vos accès de violences, de ceux qui vous ont mené à essayer de tuer un homme. »

Raté pour le charme. Les charismatiques louvoyaient toujours. Sybil était d'une sincérité tranchante, sans souci ni pour les blessures personnelles ni pour les conventions ni pour les oreilles indiscrètes. Cependant, elle avait gardé une voix douce, constante et basse. Elle n'avait pas cessé de l'observer. Sa carapace craquerait un jour et le serpent qu'était Sybil s'y faufilerait d'un coup. Le danger supposé du bonhomme ne l'épouvantait guère. La mort, elle l'avait côtoyée bien assez pour ne plus en avoir peur... le pensait-elle. Du moins pas avec un être humain comme lui. Elle, c'était des assassins professionnels qui pouvaient la tuer.

« Je peux aussi m'occuper de votre état de santé, si jamais vous aviez besoin de quelque chose du continent. Vous faites de l'asthme depuis longtemps ? »

Elle se morigéna mentalement, elle aurait dû en profiter pour poser une question profonde et entrer dans sa psyché plutôt que de retourner sur un terrain qu'elle ne connaissait que trop.

Hors RP:

Angus McKie
Angus McKie

La chaise craque sous ton cul. Dans la charpente d'l'édifice, tout en haut, t'entends ces damnés z'oiseaux qui ont décidé d'faire d'la grande-salle leur royaume. T'as les oreilles qui bourdonnent, t'as l'palpitant qui s'débat et l'souffle qui chouinte un peu trop fort. Tu fermes les yeux, et inspire avec difficulté. Une fois, deux fois, pour t'calmer les boyaux en boule. Trois fois, pour apprécier l'silence.

L'silence.



Parce que du silence, sur c'bout d'caillou, y en a pas beaucoup. Toujours des badauds et des marmots pour piailler l'Seigneur, les anges pis leur existence. Toujours un larbin dans les pattes pour s'assurer d'la dévotion du voisin.

Non. Y a pas d'barreaux. Y en a pas b'soin, quand on est prisonnier d'sa propre tête. La toubib, elle se tait. Elle pipe pas mot. Elle t'attend. Et ça t'fait du bien. Ça t'fait du bien et tu lui en est r'conaissant. Vraiment r'connaissant.



Une fois, deux fois. Tu expires. Pourquoi tu bougonnes? Pas d'sermon pendant une heure. Pas d'dieux, pas d'ange pas d'apocalypse ni d'déluge. Une heure de bon sens. Ou presque.

Ou presque.


"Parce qu'y vous faut des absolument des barreaux, vous, pour savoir qu'vous êtes enchaînée à quech'chose ?"



Sourire triste. T'ouvres les yeux pour mieux la r'luquer, les lippes serrées. Ses grands yeux d'poupée, ses airs d'princesse, sa maigreur et son dos bien droit. Trop droit.



"On a tous nos chaînes, doc. Faut d'la chance, pour pas voir ses propres barreaux ni la cage qu'on s'est construite tout seul. Ou être débile. Y en ont, d'la chance, les débiles. Vous trouvez pas?"

Renifle.



"Y en ont, d'la putain d'chance, ici."



Tu manques de peu d't'essuyer l'nez avec ta manche. Mais tu te r'tiens. Une gêne, qu'tu t'explique même pas. Tu t'tortilles, sur ton banc. Humes l'air comme un clébard en laisse et z'yeutes tout autour de toi. Les lèvres du toubib s'étire, comme un visage de cire qui prend vie. Tu plisses les yeux, en r'portant ton r'gard sur elle, soudainement plus attentif de c'qu'elle va t'causer.



Ses mots sont plus cassant qu'du verre. T'as une impression d'griffes, dans tes viscères. L'impression d'être mis à nu et étripé à chacune d'ses syllabes. Tu grimaces, en t'nant les côtes. Le sait-elle, c'te doc, que t'entends encore les cris des policiers, tout autour de toi? Que tu sens encore la brûlure du teaser, dans ton dos? Est-ce qu'elle sait, c'que ça sent, les tripes et la merde d'un homme qui s'chie dessus? Est-ce qu'elle sait quel goût ça a, l'hémoglobine? Sait-elle c'que ça fait l'bruit des os cassés? Ou celui d'un corps broyé?



T'as envie d'gerber. T'as les mains qui tremblent, comme. celles d'un vieux dément ou d'un véteran d'guerre qui en a trop vu, tu les r'fous dans les poches de ton hoodie et t'détourne, loin de ces foutus globes oculaires qui lui bouffe la moitié du visage.



Coup d'ventolin. T'as l'myocarde qui s'y r'met. Tu vas pas nous faire une crise de panique! Tu sais pus où t'mettre, t'aurait envie de disparaître. L'pire, dans tout ça, c'pas l'sang versé ni l'ivoire des os pétés dont tu t'souviens l'plus. C'est c'que l'clown t'a dit avant. Juste avant qu'tes phalanges s'fracasse sur sa gueule. Ça tourne en boucle d'puis. Avec son damné sourire condescendant.


Ouais, la fille a raison. Tu pourras jamais y échapper. Jamais. T'as ça en toi. T'as essayé d'tuer un mec. Et tout c'dont tu t'souviens, tout c'qui t'fait mal, c'qui fait trembler comme une feuille, c'est de c'qu'il a dit avant.


Quel genre d'homme t'es devenu, Angus?


Quel genre de monstre?

Quel genre de....



C'pas la nappe d'la table du fond qui vient d'bouger?!



Tu t'lève à moitié d'la chaise, vaincu par la douleur de tes côtes. Tu fais un pas chancelant et pis un autre vers la table.


C'pas un pigeon, ça.



"SOOOOOOOORS DE LÀ, P'TIT BAAAAAAMPOT OÙ J'TE BOTTE TON PUTAIN D'CUL D'CONSANGUIN JUSQU'À LA LUNE, TU M'ENTENDS?"



Froissement, frémissement. Gémissement. L'petit Simon sort d'en d'sous la table en courant vers la porte comme si son existence en dépendait. Tu souffles, comme un buffle enragé. Un peu plus et tu tournes au violet. Qu'es qu'y l'a entendu, l'gamin? Y peut plus parler d'puis qu'on l'a r'trouvé mais là, tout d'suite, t'as pas d'pitié. Non, t'as pas pitié. Y l'a cherché.



Personne n'va dans ton jardin secret. Personne.



C'te comédie, t'en avais pas b'soin. Tu maudis silencieusement ta génitrice de ses amours foireux et c'te maudite secte d'paranos. Mais tu l'aimes, ta mère, pas vrai?

Tu l'aimes.



Tu t'affales de nouveau sur ton siège. On r'passera, pour les accès d'colère.



Silence. Tu déglutis, les joues encore rouges de frustration. Tu fermes les yeux et baisse la tête. Ta voix est tremblante et tu t'déteste. Tu t'déteste.



"J'me fous où t'as pris ton diplôme, doc. Ça peut être dans une boîte de Lucky Charms, j'm'en fous.  Tant qu'ta parole a assez d'valeur pour les juges et l'contingent d'la conditionnelle. J'me fous de c'que t'es réellement."



Silence.



"J'veux juste pas r'tourner en cage, tu comprends? J'veux pas. J'peux pas. "



Tu serres les côtes et te crispes sur ta chaise. Après t'avoir ouvert au bistouri, elle r'vient presque sur des sujets mondains. C'en est presque drôle. T'échappe un rire cassé, en t'r'dressant.

"Des trucs du continent...."



Tu soupires et éclate d'un rire mauvais.



"Tu peux m'ramener des r'vues pornos, dis ? Parait qu'c'est bon pour l'coeur et la dextérité."



Hésitation. Sourire gêné. T'es pas c'te genre de gars-là, Angus. Pas l'genre à essayer d'rendre une meuf su'l'qui-vive. T'es p't'être un monstre. Mais t'es pas ça.



"J'rigole, doc. J'rigole. J'veux pas d'porno. J'en veux pas. J'fais l'asthme depuis chuis minot. Ma daronne fumait comme une ch'minée, quand elle était enceinte de nous. C'est p't'être ça. Ou c'est p't'être juste la volonté divine qui veut m'rendre c'que j'ai fait. Ma pompe est presque vide.  Je sais pas.... tu peux m'ramener des livres? J'ai plus rien à lire."

Contenu sponsorisé