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Molosses - ft Ben

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Jakob Morgensen
Jakob Morgensen

Molosses

Old Boy Ben

1994
tw : Violence, mort, situation morbide, disparition


Le jour tombait sans s’être jamais réellement levé. Il avait fait toute la journée durant un temps maussade à vous filer le cafard : un ciel gris anthracite bas comme le couvercle d’un cercueil, un vent cinglant qui vous giflait pour un rien, une humidité à vous briser les os. Et la pluie. La pluie ininterrompue. La pluie en cascade. Encore et toujours. La pluie.
La lumière faiblarde qui avait réussi à traverser la couche nuageuse n’était parvenue qu’à rependre un halo malade, donnant à toutes les formes des teintes grisâtres et palotes. Ça ne donnait pas envie de sortir de chez soi, ni même de faire quoi que ce soit ; rien qu’attendre un peu que ça passe, que le soleil refasse enfin surface. Mais c’était le pays de Galle ici mon gars : lorsque le mauvais temps s’installait, c’était pour rester. Autant s’y faire.

Alors que les badauds rentraient chez eux au pas de course, forts heureux de délaisser les rues aux pavés trempés d’une bruine vicieuse pour enfin se reposer après leur journée de travail harassante, une voiture noire passa.

Aston Martin vintage, la berline dénotait du reste des véhicules plus récents garés dans la rue. Sur son passage, lorsqu’elle filait sur les larges flaques qui peinaient à entrer dans les bouches d’égouts saturées, elle projetait de grandes éclaboussures qui accentuaient son profil décidément allongée et aérodynamique. Si le modèle était de ceux taillés pour la vitesse, elle avançait doucement comme une lady se baladant. Le va-et-vient des essuies-glace ne laissait pas la possibilité de distinguer le chauffeur. Ce dernier était pourtant pensif le corps perdu dans un grand manteau noir comme la nuit.
Alors qu’il gardait les yeux rivés sur la route mal éclairée, Jakob Morgensen se refaisait le film. Il laissait dans son esprit avisé défiler les informations qu’il avait une demi-heure plus tôt découvertes dans le dossier qui se trouvait désormais rangé dans la boite à gants.

La tâche de la communauté des Hurleurs de Sheperds’Garden était de veiller sur les environs et de protéger la population des dangers que représentaient les Unseelies ainsi que de tous les autres faits paranormaux qui apparaissaient dans leurs sillages. Ce n’était pas une mince affaire. La nature même des phénomènes qu’ils traquaient les rendaient parfaitement imprévisibles et donc terriblement néfaste pour qui s’y confrontaient. Leur combat était un tango perpétuel avec la mort, une chasse à l’aveugle face à un adversaire féroce qui ne pardonnait aucun faux pas. Pourtant, malgré les risques et tout ce qu’ils misaient à jouer ainsi avec ces sinistres mutants, c’était leur mission, leur quête, leur croix,
leur devoir envers les innocents qui ignoraient tout ou presque.

Pour y parvenir, cela faisait bien longtemps que la Horde s’était organisée. Il fallait de la rigueur pour contrer le chaos. Hiérarchie et postes étaient bien définis. On le rigolait pas avec ça. Chacun avait son rôle, sa place au sein de la famille, au sein du clan. Une machine bien huilée. Jakob n’avait jamais subit cette organisation. Au contraire, elle avait toujours été pour lui un cadre sur lequel se reposer. C’était rassurant d’appartenir à un tout, de faire partie de la machine. Il avait dès son plus jeune âge trouvé ses marques et appris à user de tous les rouages nécessaires pour mener à bien sa mission : celle de traquer et d’éliminer la menace qui grouillait à l’ombre des falaises ou dans le cœur brumeux de la lande.

Ainsi, comme chaque semaine, le danois avait reçu la visite de Carl Evans, agent de police de son état au commissariat de la ville ainsi que de Lloyd Wynn, journaliste pour la gazette locale.
Sous tous les abords, il s’agissait d’une pure visite de courtoisie. Les trois hommes se connaissaient depuis des années et étaient amis. Le policier et le journaliste arrivaient à la fin du service et déjeunaient avec le chef avant d’aller boire un café sur la terrasse du restaurant lorsque le temps le permettait. C’était là une habitude fort banale en vérité, et aucun des employés du Three of Sword n’avait même jamais fait le moindre commentaire à ce sujet, puisque ce que ce n’en était même pas vraiment un, de sujet. Sauf que Carl Evans et Loyd Wynn étaient tous les deux hurleurs.

Installés dans des services locaux depuis des années, ils étaient des indicateurs qui renseignaient au chasseur tout ce qu’il avait besoin de savoir sur les activités paranormales des environs. Parfois, il n’y avait pas grand-chose à dire, et le repas n’était rien d’autre qu’un repas entre bons amis. Mais parfois, comme ce jour-ci, il y avait matière. Alors, l’un des deux compères donnait à la Mâchoire un livre sous couvert de lui rendre après en avoir fait la lecture. S’y trouvaient glissées entre les pages documents, rapports, dépositions, photographies, en soi tout ce qui pouvait aider Jakob et le mener sur une piste.
Après analyse des informations glanées par ses indicateurs, il arrivait à l’aîné de transmettre la mission à des subalternes. Il ne s’agissait parfois que de petits troublions, un petit Trône ou deux en cavale qui s’amusaient à jouer des tours. Ca arrivait plus souvent qu’on ne le croyait. Après tout, c’était un pays de légendes et de korrigans alors on envoyait les plus jeunes de la Horde s’en charger. Il fallait bien que les chiots se fassent les dents. Mais de temps en temps, lorsque l’affaire semblait plus complexe, c’était la Grande Mâchoire qui entrait dans le jeu :
Depuis plusieurs semaines, il y avait de l’agitation dans les alentours de Bakery’s street. D’abord pas grand-chose, des poubelles que le vent emportait ou renversait sans cesse, des fissures qui apparaissaient dans le bitume des routes, toutes les bouteilles de lait qui tournaient le même jour. Puis c’était les chats et les chiens qui à la même heure se mettaient à aboyer et à miauler de concert avant de subitement s’arrêter. Plus aucune horloge ne fonctionnait, sauf entre minuit et minuit trente où elles tintaient à grand coups de carillons.
Et puis ils avaient disparu.

Mrs et Mr Porter.
Ça n’avait rien d’officiel. Personne n’avait d’ailleurs remarqué quoi que ce soit, sinon une voisine un peu trop curieuse. Le couple de jeunes retraités était censs être en croisière sur la méditerranée, un voyage prévu de longue date. Sauf que voila : leur voiture se trouvait toujours garée devant chez eux. Carl avait vérifié et aucune société de taxi n’avait été contacté. Pire, après avoir appelé la compagnie de voyage, il avait eu la confirmation que les Porter ne s’étaient jamais présentés à l’embarquement. Alors où étaient-ils ? Le policier se devait de faire remonter l’information à ses supérieurs, mais fleurant la menace, il avait d’abord renseigné son homologue hurleur, lui laissant une légère avance sur les forces de l’ordre qu’il se devait de devancer.

Après étude des pièces glanés par ses indicateurs, l’instinct du danois lui intimait en effet que quelque chose d’étrange était à l’heure. Quelque chose de dangereux.
Prévoyant, et encore dans l’incertitude de là où il mettait les pieds, Jakob avait fait appel à un vieil ami pour l’accompagner plutôt qu’à ses filles qu’il tenait en dehors de tout ça. Et puis contrairement à elles, Benjamin Pacheco était annihilateur, la caste la plus extrême de leur faction. La mâchoire espérait que c’était une précaution inutile, mais dans le doute, il valait mieux prévenir que guérir.

Appuyant que la pédale de frein, il stoppa son véhicule devant un portail en bien mauvais état. Quelques instants plus tard, un homme à l’impressionnante carrure entra pour venir d’asseoir sur le siège passager.

« Bonsoir... » dit-il tout en tournant le volant et en accélérant pour reprendre sa route. « Le dossier est dans la boîte à gants. »


Ben Pacheco
Ben Pacheco
Une journée maussade qui s’accorde particulièrement à ton humeur, d’autant plus que contrairement à bien des habitants de la région qui ont préféré rester au sec et au chaud à l’intérieur… Toi tu es allé travailler. C’est-à-dire que tu as mit ton imperméable qui ne t’as réellement protégé qu’une petite demi-heure avant de vaillamment s’employer à te garder bien trempé, que tu as embarqué dans ce foutu bateau et que tu as passé la journée à remonter des filets lourds de prises sur un pont plus glissant qu’un baril d’huile renversé sur le sol du meilleur fish and chips de la ville. Pas tes meilleures journées, en somme, mais au moins tu as terminé tôt et tu as pu te consoler d’une très longue douche bouillante afin de ramener un peu de vie dans tes membres frigorifiés.

En espérant que le temps soit plus clément demain, mais tu ne te fais pas trop d’illusions.

Tu profites de quelques heures de sommeil avant que Jakob Morgensen ne t’appelle afin de demander ton soutien sur une affaire pour le moins suspecte. Tu n’hésites pas à lui répondre par l’affirmative avant de raccrocher et de te préparer. L’autre Hurleur est ce qui se rapproche le plus d’un ami, parmi le peu qu’il te reste. Un des rares du clan à avoir plaidé en ta faveur et à ne pas se comporter avec toi comme si tu étais un pestiféré. Autant dire que ça le rend particulièrement appréciable.

Quand la berline s’arrête devant ton portail, tu es prêt, traversant la cour négligée sans un regard pour la désolation environnante. Comme un nid de ronces, d’herbes folles et de peinture écaillée pour éloigner les indésirables de ta maison. Tu ouvres la portière et te faufiles à l’intérieur, la faisant claquer derrière toi.

”Bonsoir.”

Tu n’hésites pas une seconde à récupérer le dossier pour l’ouvrir, sourcils légèrement froncés, trop bourru pour demander à ton compagnon d’aventure comment il se porte. De toute façon, c’est l’appel d’un travail qui vous fait vous retrouver et voilà tout ce qui compte actuellement.

Tu parcours rapidement le dossier alors que Jakob conduit, cherchant la quelconque signature d’un unseelie que tu connaîtrais ou dont tu aurais pu entendre parler dans les informations qu’il recèle.

”Je comprend mieux pourquoi c’est moi que tu as appelé,” que tu commentes après quelques minutes de silence dans l’habitacle. Ton regard se poses sur Jakob.

”On peut déjà commencé chez les Porter avant que les cops ne viennent y mettre leur nez.” Et brouillent les pistes comme ils savent si bien le faire.

Sitôt la voiture stationnée sur Bakery’s street, juste assez loin de la maison pour ne pas trop attirer les regards, tu sors de la voiture, relevant la capuche de ta veste en fronçant le nez alors qu’un crachin désagréablement s’empresse de laisser sa patte humide sur le moindre bout de peau à portée. Ton regard glisses sur les petites maisons alignées, traquant l'inhabituel et l'instinct en éveil, hautement conscient d’être sur le terrain de jeu d’une dangereuse créature. Assez pour faire disparaître un couple, mais tu te doutes qu’ils ne sont pas les seuls à manquer à l’appel, impression corroborée par les affiches détrempées ici et là rapportant la disparition de quelques chiens et chats. Tu en pointe une d’un mouvement de menton à Jakob.

”Tu crois qu’ils les retrouveront ?”

Tu doutes retrouver Mr ou Mrs Porter, alors autant dire que tu ne donnes pas cher de la peau des bestiaux s’ils se sont attiré le même genre d’ennuis que le couple de retraité.

Tu marches jusqu’à l’adresses que tu as retenu de tête, passes à côté de la voiture sagement stationnée dans la petite allée avant de tester la poignée. Verrouillée. Et tu pourrais la crochetée, mais tout associable que tu sois devenu, tu connais bien les gens. Tu jettes un coup d’oeil dans la petite boîte à lettre, puis te penches pour relever le paillasson clamant un infortuné “Welcome!” en grandes lettres et te redresses avec un sourire en coin, clef argent à la main.

”J’adore quand ils font ça.”

Tu déverrouilles la porte qui s’ouvre sur un long couloir plongé dans l’obscurité, empochant la clef avant de jeter un coup d’oeil vers Jakob. Les gens s’attendent normalement à ce que tu passes devant en ta “qualité” d’annihilateur. Ta main glisse sous ta veste jusqu’à ton arme et tu fais un pas à l’intérieur, attentif.
Jakob Morgensen
Jakob Morgensen

Molosses

Old Boy Ben

1994
tw : Violence, mort, situation morbide, disparition


Ambiance

L’Aston Martin filait sur les routes de la petite ville. Un peu trop vite sans doute, mais il n’y avait plus grand monde dans les rues pour s’en plaindre. Le temps était compté.

Sur le passage du véhicule, des gerbes d’eau giclaient en éclaboussures glacées. Des feuilles mortes et brunes valsaient en fuite volage pour mieux retomber sur les pavés luisants d’humidité. A intervalle régulier, la lumière orangée des réverbères illuminait l’intérieur de l’habitacle et les deux visages austères qui s’y trouvaient. Pas de mondanités. Un simple bonsoir et au boulot troupiers.

Il ne leur fallut pas longtemps pour atteindre leur première destination : Bakery’s street.
Là où tout commençait.

Laissant la voiture à un bloc de la maison des Porter pour ne pas attirer l’attention, les deux hurleurs finirent le trajet à pieds sous un crachin qui ne cessait de tomber. L’eau de l’air, volatil et léger, formait dans la lumière des lampadaires une vision proche d’un ballet enneigé. Peut être que bientôt ce serait à la pluie verglacée de tomber. Le col de son épais manteau de laine anthracite relevé sur sa nuque, Jakob avançait comme une ombre, comme si le froid et la météo n’avait aucune emprise sur lui. De son visage fermé, presque inexpressif, on pouvait toutefois discerner dans la pénombre un nuage de vapeur sortir de son nez à intervalles réguliers, ainsi qu’une lueur là où perçait son regard acier.
La Grande Mâchoire observait.

La rue était calme, du moins c’est ce qu’il semblait.
De part et d’autre : des petits pavillons aux façades de briques rouges typique des anciens quartiers de pêcheurs du coin. Cependant, plus un seul pêcheur ne vivait là depuis des années.
Après la guerre, la municipalité avait entamé un important chantier afin de réhabiliter la plupart des habitations devenues vétustes ou abandonnées. La hausse des loyers qui en avait résulté avait fini de chasser les derniers pêchers et ouvriers de la mer qui y résidaient toujours. Des familles bourgeoises, en recherche de calme et d’authenticité, étaient venues s’installer à leur place. C’était le cas du couple Porter.
Anciens commerçants, ils avaient tenu pendant plus de trente cinq ans une boutique de chaussures sur Malfearn. Appréciés de la communauté locale, ils n’en restaient pas moins cordiaux et discrets, surtout depuis qu’ils avaient pris leur retraire.

Arrivés devant leur maison, Jakob s’arrêta et leva les yeux vers la façade que rien ne distinguait de ses voisines. Des jardinières vides attendaient le retour des beaux jours pour se parer à nouveau de géraniums colorés. A travers les fenêtres sombres on distinguait des rideaux en voile crocheté arborant des motifs de paniers à fruits. Les bosquets de buis qui entouraient le porte étaient taillés en boule millimétriques et placées dans des pots en fonte un peu kitsch. La boite aux lettres, vert bouteille, laissaient apercevoir quelques prospectus et magazines de vente bourrés à la va-vite par un facteur pressé.

La question posée par Benjamin sortie le danois de sa contemplation. Suivant le signe de tête, il comprit que son ami parlait d’une affiche attaché à un poteau téléphonique au bois humide. Le papier était lui aussi gorgé d’eau et les couleurs bavaient, mais on pouvait encore lire le message de recherche accompagné d’une photographie d’un animal perdu.

« Non. » répondit-il dans un murmure coupant. *Pas vivants en tout cas* ne put-il s’empêcher de penser.

Toute la région était maudite. Il se passait sans cesse des choses étranges. On voyait des phénomènes apparaître ça et là sans raison aucune. Souvent, ce n’était pas grand-chose. Une baignoire au milieu de la lande. Une montre qui se met à tourner à l’envers, des lampes qui s’allument et s’éteignent toutes seules. Puis ça passait. Puis ça redevenait normal. Les habitants s’étaient faits à ces petites excentricités locales. Les Hurleurs de Sheperd’s Garden, à travers leurs contacts dans la presse, avaient réussi à faire passer de faux articles parlant de forces issues des pôles magnétiques qui pouvaient dérégler les appareils ménagers et autres explications pseudo-scientifiques ayant pour but d’apaiser les doutes possibles des innocents. La fin de la Guerre Froide leur avait certes fait perdre un coupable tout désigné à tous ces dérèglements, mais les Hurleurs ne manquaient jamais de ressources et trouvaient toujours quelque chose pour mieux cacher la terrible vérité.

Une vérité qu’il fallait pourtant élucider. C’était pour ça qu’ils étaient là. Parce que voir des chats de gouttières disparaître était une chose mais lorsqu’il s’agissait de deux personnes…

A la suite de l’annihilateur qui ouvrait toujours la voie, Jakob entra dans le foyer des Porter  en prenant soin de refermer la porte derrière eux. Quelque soit la chose ou la personne à l’œuvre ici, ils venaient de plonger volontairement au cœur de sa tanière. En plein dans la gueule du loup. Mais qui était le loup ici ?

La lumière faiblarde des lampadaires à l’extérieur éclairaient à peine les lieux, aussi la Grande Mâchoire prit-elle le risque de sortir de la poche de son manteau une petite lampe torche et de l’allumer afin de faire le clair sur leur premier lieu d’investigation. Et pour être honnête, il n’y avait pour l’instant rien de bien extravagant.

Benjamin et lui se trouvait dans une petite entrée. Le sol était en carrelage à motifs qu’on retrouvait dans beaucoup de ces habitations. Sur une patère en bois se trouvaient suspendus des manteaux et écharpes en laine sans doute tricotées à la main par madame. En dessous, un petit meuble pour ranger des chaussures bien cirées. Toutes les cases étaient pleines. Un parapluie à carreaux rouges et verts attendaient sagement. En face d’eux se dressait un escalier aux marches recouvertes d’une moquette un peu datée désormais. Sur le mur menant à l’étage, un papier peint offrait un aperçu de ce qui se faisait de mieux dans les années soixante dix. Des fleurs géométrisées dans un camaïeu de bruns et d’orangés. Par dessus étaient suspendus des cadres photos où on devinait des portraits des proches des disparus. A sa connaissance les Porter n’avaient jamais eu d’enfants, mais le couple avait de la famille dans le coin.

Sous l’escalier, on pouvait voir une porte menant certainement à la cave quand de part et d’autre s’ouvraient deux portes : l’une menant vers une cuisine en formica visiblement bien entretenue et de l’autre un salon confortable. Un imposant meuble télévision à double battants y tenait la place d’honneur. Des petits napperons en crochet blanc étaient disposés un peu partout, sur des buffets ou bien sous des vases remplis de bouquets de fleurs en plastique. Un peu partout on voyait dans le reflet de la lampe de poche, la blancheur éclatante de petites figurines en porcelaine. Ici une bergère, là un petit clown. Il y avait peu de livres, et aucun miroir, mais des plats en cuivre repoussés offrant des images de paysage champêtres. Une tapisserie suspendue au dessus de la cheminée symbolisait une pastorale. Quelque chose d’étrange s’en dégageait, un peu comme de tous les personnages présents ça et là, photo ou bibelot. Une impression de malaise à voir leurs petits visages. Un peu comme si on avait la sensation désagréable d’être suivi du regard.

Faisant un pas dans le salon, le danois passa l’un de ses doigts sur un vaisselier présentant en suspension verticale des assiettes ornées de végétation et d’oiseaux chanteurs. Observant le résultat, il remarqua qu’une impressionnante couche de poussière recouvrait tout. Comme si ça faisait en réalité des années que le couple était parti. Il régnait également dans l’air une odeur étrange. Pas celle de la décomposition. Non, c’était un parfum fort et piquant, un peu douceâtre. Il ne fallut pas beaucoup de temps au chef cuisinier pour l’identifier.

« Ça sent l’ail... »

Mrs Porter avait peut être l’habitude de cuisiner français, mais le côté rance de l’odeur ne le menait pas vers cette hypothèse. Guidé par son odorat, le Hurleur se dirigea vers l’un des sofas qui faisait face à la télévision. Attrapant un des coussins couverts de chatons brodés, il découvrit non sans surprise un petit chapelet de gousses en train de moisir. Les sourcils froncés, il balaya le sol de la pièce, ici aussi couvert de moquette. D’autres gousses se laissaient voir entre les franges d’un fauteuil, puis au pied d’un petit jongleur en biscuit aux couleurs pastelles. On pouvait bien sur aimer en manger, mais c’était bien là une habitude étrange que de disposer de l’ail partout dans son salon. Le mystère s’épaississait.

Se redressant, Jakob se tourna vers son camarade en laissant sa lampe braqué vers le sol.

« Je vais fouiller ici et dans la cuisine… monte voir à l’étage. »

La Grande Mâchoire avait besoin d’un instant seul au milieu de tous les meubles et de tous les souvenirs du couple Porter. Si les compétences d’annihilateur de Benjamin seraient certainement précieuses dans cette mission, celles de l’Augure pouvaient aussi aider à trouver une piste.

Depuis l’enfance, Jakob Morgensen avait développé des dons de voyance. Ces facultés lui avaient souvent été d’un grand secours dans ses missions rendues auprès de sa communauté et il savait quand la nécessité le demandait, déclencher des visions qui concernaient la plupart du temps les possibles voies de la destiné. Ce n’était pourtant pas le futur que le danois visait à présent. Comme souvent dans pareille situation, il savait qu’il était dangereux d’aller chercher dans "l’après". Les forces à l’heure avaient toujours tendance à brouiller les pistes. Ce que la Grande Mâchoire cherchait, c’était à comprendre ce qui avait bien pu se passer ici. Conscient que l’interprétation de l’avenir pouvait être un jeu dangereux, il était parvenu à force d’un travail acharné, à orienter ses projections mentales sur le passé. Loin de pouvoir encore voir dans son esprit des images claires et nettes, il était toutefois en mesure de percevoir des émotions, des tensions, ce qui pour l’instant serait déjà ça de pris.

Après avoir éteint la lumière de sa lampe torche, il chercha donc à trouver le calme nécessaire à la concentration.

L’odeur omniprésente de l’ail moisi commençait à l’écœurer, mais il fit en sorte de ne pas y penser.
Expirant longuement, il fit le vide dans son esprit, et tendit une main pour se mettre en contact avec le dossier du fauteuil où on voyait la marque de la tête de Mrs Porter. Sans doute la place où elle passait le plus clair de ses journées, un tricot sur entre ses mains pleines d'arthrite. L’impression fut fulgurante et le parcourut avec la violence d’une décharge électrique. Son cœur bondit dans sa poitrine et une violence nausée qui serra le ventre.

De la peur. Voilà ce qu’il avait senti. Une peur terrible. Brute. Animale.

Inspirant lentement, l’Augure lâcha le fauteuil et laissa son regard désormais habitué à l’obscurité vagabonder dans la pièce à la recherche de quelque chose qui aurait pu attirer son attention. Il y avait partout cette saturation de formes et de visages à vous observer lugubrement, mais rien qui sortit de l’ordinaire d’un salon de personnes d’un certain âge. C’était vers la cuisine, étrangement, que son instinct l’appelait.

En à peine trois enjambées, il y fut et put poursuivre son exploration. Le sentiment de peur qu’il avait ressenti, vibrant et fracassant, s’estompait progressivement à mesure que lui venait la certitude qu’il s’agissait de celle de l’ancien commerçant. Mais de quoi cet vieille dame qu'on voyait sourire avec bienveillance sur tous les clichés de la maison, pouvait-elle bien avoir peur?
Après avoir poussé un soupir, Jakob se mit à ouvrir les placards de cette cuisine ma foi plutôt bien entretenue si ce n’était la poussière qui semblait ici aussi tout recouvrir. Alors qu’il fouillait dans un tiroir plein de bouchons en liège -mais pourquoi est ce qu’on garde toujours toutes ses merdes?- le Hurleur tomba soudain sur quelque chose qui éveilla sa curiosité. Il s’agissait d’une vieille boite de biscuit montrant une femme sur une ancienne bicyclette. Non sans difficulté, il l’ouvrit et fut saisit par ce qu’il y découvrit : des cendres grises, et au centre, des dents. Des dizaines de dents.

« Ben! » lança-t-il juste assez fort pour que son camarade l’entende à l’étage, mais pas assez pour être capté de l’extérieur, le danois se dirigea avec sa trouvaille vers l’entrée afin d’y retrouver son ami. A cet instant là, la vieille horloge à cadran du salon sonna.

Treize fois.



Ben Pacheco
Ben Pacheco
[TW: Situation morbide, disparition, mort]


Jakob allume une petite lampe torche et tu l’imites à défaut de pouvoir habituer tes yeux à l’obscurité. Ton regard glisse sur la patère, les photos, le parapluie, le meuble à chaussures où il n’en manquait pas une, les marches qui montent vers l’étage. Ce n’est pourtant pas vers là que tu te diriges ensuite, mais plutôt du côté du salon, ignorant au passage la porte menant sans doute au sous-sol.

Être annihilateur ne change absolument rien au fait que tu détestes les sous-sol, caves et autres joyeusetés du genre.

Le salon semble presque hurler qu’il héberge bel et bien ici un couple âgé. Napperon aux crochets, bibelots vieillots, ridicules assiettes de collections, motifs brodés de mauvais goûts. En le cherchant un instant de l’oeil, tu repères le christ cloué à sa croix au-dessus du divan. C’pas l’pauvre bougre sacrifié qui les aura aidé, les Porter.

C’est Jakob qui identifie en premier l’odeur désagréable qui embaume la pièce, trouve les gousses d’ails disposées un peu partout dans le salon, te faisant froncer les sourcils, perplexe, creusant dans ta mémoire.

”Tu savais qu’au moyen âge, on faisait porter aux enfants de l’ail tressé pour éloigner les sorcières? Qu’il était réputé pour protéger du mauvais sort, des épidémies et de la peste? D’nos jours, en mettre dans sa maison protègerait contre les démons et les voleurs.”

Est-ce que c’est ce que les Porter ont cherché à faire ? Se protéger d’un démon qui malheureusement pour eux, n’en était pas un malgré les apparences ? Tu sens bien qu’un unseelie s’est beaucoup amusé par ici et tu pourrais pas en vouloir au couple de s’être fait avoir.

Tu souffles, jettes un dernier regard autour de vous avant d’hocher la tête.

”Oui, je te laisse voir ici.”

Tu te retournes sans un regard de plus, retournant dans l’entrée pour gravir les marches lentement, serrant légèrement les dents lorsqu’elles grincent sous ton poids malgré que tu ais fais attention de poser les pieds sur le côté et pas au centre. Tu arrives sur le palier et éteint ta lampe torche après un regard torve pour un grand bibelot d’ange et un regard sur le plafond.

Tu t’es déjà fait avoir, il y a longtemps.

Tu laisses quelques minutes à tes yeux pour s’habituer avant de t’avancer vers la première porte, le bruit de tes pas étouffés par un tapis à carreaux. Elle est entrouverte tu sors un long couteau de son étui sous ton manteau, refermant une poigne solide dessus. Un arme à feu serait trop à même de faire sursauter dans leurs lits les voisins et ferait débarquer beaucoup trop vite les flics qui ne verraient là ni plus ni moins que des voyous entrant par effraction dans la demeure d’un couple qu’ils comprendraient vite disparu. Ça vous ferait les pieds.    

Tu arrives dans une salle de bain aux murs couverts d’un papier peint mettant en scène de petits phares, quelques vagues et des mouettes. La toilette, le lavabo et le bain ne sont pas blanc, probablement rose ou vert menthe comme t’en vois de temps en temps. Tu t’avances vers le rideau tiré et le tasses d’un geste brusque, sur le qui-vive. Rien, si ce n’est quelques bouteilles de shampooing et de savon. Vides.

D’un regard dans la pharmacie derrière le miroir au-dessus du lavabo, tu constates que tout a été vidé et les contenant laissé vide, sirop pour la toux compris. Tu refermes lentement la petite porte, passes les doigts sur le l’interrupteur sans allumer la lumière pour autant. Il est couvert de poussière comme tout en bas.

Tu ressors pour la pièce suivante qui n’est autre que la chambre du couple, un lit imposant au couvre-lit fleuri trônant au centre de la pièce et une croix plantée au-dessus de la tête de lit. Avant de t’avancer, tu jettes un coup d'œil sous le lit qui n’est colonisé que par des moutons de poussière et des chaussettes, beaucoup de chaussettes roulées en boule et visiblement quelques gousses d’ail. L’odeur est là, même si moins entêtante que dans le salon. Tu fronces les sourcils, te redresses et avances jusqu’à la penderie que tu ouvres, sur le qui-vive. Des vêtements suspendus aux cintres, quelques boîtes sur la tablette au-dessus. Tu hésites un instant à les sortir de là, mais quelque chose t’agace.

Tu fais deux pas jusqu’à la commode la plus proche et ouvres le premier tiroir.

Si les chaussettes sont sous le lit. Qu’est-ce qui est dans le tiroir à chaussette ?

Tu mets un instant à comprendre… Puis jures dans ta barbe avant d’attraper ta lampe-torche pour en river la lumière sur le contenu du tiroir. Des fils d’argent. Beaucoup de fils d’argent tamissant le fond du tiroir dont les pointes sont collées par du scotch pour mieux les tenir.

T’as pas besoin de toucher pour reconnaître des cheveux.

C’est à ce moment que tu entends Jakob t’appeler, te faisant tressaillir dans le silence de la maison. Tu hésites une seconde, puis laisses le tiroir ouvert pour sortir de la chambre et aller le rejoindre. T’es en haut des marches quand tu entends l’horloge sonner, fronçant les sourcils quand elle commence à dépasser l’heure vraisemblable qu’il est et croyant peu aux coïncidences. Pourtant, il y a quelque chose qui te fige un instant dans ce bruit régulier qui emplit la petite maison. Un malaise désagréable qui fait s’hérisser les cheveux sur ta nuque au treizième coup. Les télévisions de la maison s’allument d’un coup sur des écrans de neige, projetant une lumière inquiétante et grésillant désagréablement le même message nasillard.

“C’est l’heure… de rentrer à… la maison.”

Tu n’attends pas davantage, descends rapidement les marches deux par deux pour rejoindre Jakob. C’est une connerie que d’affronter un unseelie inconnu seul et actuellement, il ne fait plus doute que c’est bien ce à quoi vous êtes confronté.

“C’est l’heure… de rentrer à… la maison.”

Ton regard tombe sur le contenant que tiens la mâchoire, reconnaissant le contenu au premier coup d’oeil.

”Ah, charmant. J’ai une collection de cheveux gris dans le tiroir à chaussettes en haut. Et un peu d’ail sous le lit.”

“C’est l’heure… de rentrer à… la maison.”
Jakob Morgensen
Jakob Morgensen

Molosses

Old Boy Ben

1994
tw : Violence, mort, situation morbide, disparition, body horror


Ambiance musicale

Des petites dents dans une boite en fer.
Des petites quenottes pour la petite souris.
De la cendre pour trancher avec la blancheur de l’émail fissuré.
Des trous pour les vers.

Jakob regardait les dizaines (ou centaines) de canines, incisives et molaires que contenaient la boite. D’où provenaient-elles ces dents ? De qui ?
Y risquant un doigt, la Grande Mâchoire vint se saisir de l’une d’elles, la levant au niveau de ses yeux pour l’observer, la scruter. Malgré la cendre qui la maculait, il était à même de voir les morceaux de chaires et de racines qui subsistaient, et autour le brun sale d’un sang séché.

Ce n’était pas des dents de lait tombées. On les avait... arraché !

Levant les yeux de la boîte et de son contenu, Jakob plongea dans la neige grouillante de l’écran qui venait de s’allumer tout seul dans le salon. L’écho des treize carillons résonnait encore dans sa tête comme un appel à l’anormalité. L’intime conviction qu’ils venaient de franchir un seuil s’empara de lui. Ils étaient passés dans un autre royaume. Un piège où ils avaient plongé les yeux fermés.

« C’est l’heure… de rentrer à… la maison... »

La voix en chansonnette sortait des enceintes du téléviseur rétro. Mais pas uniquement. Elle émanait aussi du sol et du plafond. Un murmure ténu entre les lattes du parquet. Un chuchotis sortant de la bouche de chaque figurine, de chaque tableau, de chaque portrait. Elle venait aussi de derrière la tête, juste après l’oreille dans l’angle mort du regard. Jakob se tourna vivement, pas assez apparemment pour saisir l’ombre qui flânait tout autour.

L’annihilateur descendit à cet instant, lui présentant ses découvertes faites à l’étage. Des cheveux gris dans un tiroir. Dans la pénombre de l’entrée, l’attention du danois se porta sur une des photographies qui y était présentée. Le cliché encadré montrait les Porter en vacances sur la côte. Lui avec un bob sur la tête et une chemise à fleurs de bien mauvais goût ; elle dans une robe aux motifs géométriques et portant un grand chapeau de paille. A la lumière fragile que la télévision projetait, il lui fut donné de voir leurs visages souriants, la nuance grisonnante des cheveux du mari lorsque la femme elle arborait une teinture brun-acajou. Ses cheveux à lui alors… peut être.

Soudain, un son provint de l’étage et lui fit relever la tête d’un coup. Des bruits de pas ! Une course sur la moquette au dessus de leurs têtes un peu comme si quelqu’un prenait la fuite. VITE !

Il eut à peine le temps d’échanger un regard avec Ben que déjà ils montaient les marches quatre à quatre, faisant résonner dans le pavillon le grincement de l’escalier.

Mais arrivé sur le pallier… rien.

Rien qu’un petit couloir aux murs tapissés d’un papier peint à rayures contrastées. Les dents serrées, la Mâchoire regardait de gauche à droite mais ne pouvait que constater l’absence de ce qui leur avait échappé. Mais la Chose était-elle seulement en train de s’échapper ?

« Il est l’heure… de rentrer... »

Comme pour répondre à sa question, de nouveaux bruits de pas de firent entendre, cette fois provenant du grenier, leur faisant encore lever la tête et mettre leurs nuques à mal. Puis, après quelques secondes d’un silence lourd comme la pierre, la course reprit, au rez-de-chaussée cette fois, puis dans la pièce voisine, puis comme venant de l’intérieur des murs. Ils semblaient cernés par une foule de petits pas pressés, les poussant à tourner la tête en tout sens. Et soudain… plus rien.
Rien que le grésillement des téléviseurs dont on apercevait le reflet bleuté depuis la porte de la chambre ouverte.

«  Ça joue... » prononça Jakob dans un souffle en faisant quelques pas pour entrer dans la chambre des Porter. De toute évidence, la Chose qui avait trouvé résidence dans cette maison était en train de s’amuser à leur dépend. Un sentiment que le Hurleur n’appréciait guère. Il était chasseur, il n’aimait pas devenir la proie qu'on taquine avant de la dévorer.

« Il est l’heure… il est l’heure... » comme pour le narguer, la litanie reprit de plus belle provenant des quatre coins de la maison. « Il est L’HEURE… IL EST L’HEURE » et le rythme des bruits de pas encore, une course de toutes parts et en tout sens. Une cavalcade à vous rendre fou. Il en venait oui, il en venait comme de partout. Toute la maison en écho d’un tumulte cacophonique. « IL EST L’HEURE !! » que ça hurlait de plus en plus fort. Toute la ville allait bientôt entendre. Toute la ville bientôt entendrait la voix et les pas et…
ou bien… ou bien c’était juste dans leurs têtes ? Diffusé en canal direct avec leurs pensées ? Cette idée ramena soudain Jakob à la réalité.
C’était assez. Ça avait trop duré !
Essayant d’assourdir la voix aux notes répétitives, le danois chercha en lui la force de se concentrer et de repousser les intrusions sonores. N’importe qui ignorant l’enseignement des Hurleurs n’y serait pas parvenu. Mais lui et Ben étaient rodés à ce genre d’exercice mental. Il inspira lentement et modela dans son esprit un mur impénétrable que les assauts de la Chose ne pourraient franchir. Le silence revint alors. Un silence réel. Celui des lieux vides. Des maisons abandonnés.
Ses paupières s’ouvrirent sur une obscurité quasi totale. Les écrans de télévision s’étaient éteints. Il n’y avait plus de murmure et plus de pas. Rien que la lumière orangée du réverbère qui les plongeaient dans un environnement d’ombres chinoises et de poussières.

Rallumant sa lampe torche, la Mâchoire s’approcha de la commode dont lui avait parlé l’annihilateur. Comme il lui avait soufflé, s’y trouvait bien rangé des milliers de petits fils d’argent. Des cheveux soigneusement rangés comme s’il s’agissait d’un bien précieux. L’idée d’ouvrir les autres tiroirs de la pièce s’empara alors du chasseur. Refermant le premier, il se mit à tirer les autres, un à un. Il ne fut pas déçu par leur contenu. Ici des ongles… Là des cils. Et toujours ce soin du rangement classifié, ordonné, quasi numéroté.

Il tourna lentement la tête vers Benjamim, captant son regard dans le champ d’obscurité qui les entourait.

« C’est un collectionneur... » dit-il d’une voix grave.

Soudain, quelque chose derrière son camarade attira son attention. Ce n’était pas grand-chose. Un détail que son instinct le poussait à aller relever. Contrairement à la commode remplie de morceaux humains perdus et dont on avait fait l’inventaire, la penderie elle n’avait rien de surprenant. Y étaient accrochés les vêtements du couple, tout simplement. Se pouvait-il que cela cache autre chose ? S’en approchant, le Hurleur passa les tenues à l’analyse de son regard aiguisé mais rien ne sortait du lot si on oubliait le mauvais goût flagrant. Alors il leva la tête et vit des boites. Un frisson le saisit, comme si une main glacée lui attrapait la colonne vertébrale ; comme si tout son être lui susurrait de ne pas les ouvrir.

« Aide moi... »
Au lieu de cela, Jakob s’en saisit et les déposa sur le couvre-lit d’un autre temps. Contrairement à toute la maison, les boîtes n’étaient elles pas couvertes de poussière, signe qu’elles avaient peut être été manipulées récemment. Les disposants les unes à côté des autres sur le lit, les deux hommes les ouvrirent.

Elles contenaient des… poupons. Rien que des poupées d’enfants, petits et joufflus. Tous couchés dans leurs petits lits de boites fleuries. Les yeux clos endormis. Une collection de plus. Une collection parmi les autres. Oui.
Mais non. Quelque chose n’allait pas.

Se rendant compte seulement maintenant qu’il tenait toujours la boite-à-dent dans sa main, Jakob la déposa sur l’édredon afin de tirer de son manteau sa lampe torche qu’il alluma et braqua sur les petits corps immobiles. Comme un chirurgien sur le point d’opérer, il s’approcha du plus gros des poupons. C’était le plus réaliste, et dont aussi le plus dérangeant. Sans quitter le jouet des yeux, il glissa sa main dans la poche intérieure de sa veste et en sortit un fin couteau à la lame argentée. Lentement, presque délicatement, il vint passer le fil de l’arme tranchante sur le petit bras potelé.

« Seigneur... » ne put-il s’empêcher de prononcer, comme si une quelconque divinité pouvait les protéger ici. Leur venir en aide…

Attrapant la boite qui contenait la poupée, il la tendit à Ben pour qu’il constate par lui-même.
« C’est de la peau humaine... »
Comme pour souligner cette affirmation, le mécanisme qui actionnait l’ouverture des paupières se déclencha et deux iris apparurent, les scrutant comme s’il y avait soudain quelqu’un d’autre dans la pièce. Des yeux d’un réaliste improbable.

Ils ignoraient toujours où était Mrs Porter, mais où qu’elle fut… elle y était sans ses yeux.


Ben Pacheco
Ben Pacheco
[TW : VIOLENCE, MORT, SITUATION MORBIDE, DISPARITION, BODY HORROR]

Tu suis le regard de Jakob sur les photographies, constatant comme lui la concordance capillaire entre M. Porter et ta découverte à l’étage. Il n’y a pas là de quoi tirer de grandes conclusions, mais ça reste une piste.

Puis il y a ce bruit de course à l’étage qui te fait relever la tête, sourcils froncés, l’échange de regard avec ton comparse et vous voilà en train de courir dans l’escalier, sans plus aucune précaution, sans plus chercher à faire montre de la moindre discrétion. À ce stade, il est évident que vous êtes bien grillé par ce qui traîne par ici, de toute façon.

Pourtant, rien ne vous attend sur le palier, le couloir vide s’étirant devant vous, remettant en cause vos perceptions.

Puis ça recommence, encore au-dessus de vos têtes, comme si ça avait pu grimper si lestement dans le grenier. Tu fronces les sourcils, cherche du regard la trappe y menant. Là, au bout du couloir. Et tu pourrais parier ton maigre salaire que c’est le genre à grincer sans lendemain, alertant la moitié du patelin à chaque ouverture. D’où aurait-Elle pu s’y faufiler sans bruit ?

Tu n’as pas le temps de t’avancer vers la trappe pour aller vérifier que tu entends la course au rez-de-chaussé, puis dans la pièce voisine, puis dans les murs, dans une ignoble et précipitée cacophonie.

Tu hoches légèrement la tête quand Jakob te dit que “Ça joue”. Définitivement. Vous êtes un joyeux divertissement pour quelque chose qui apprécie sans doute plus que vous ce remu-ménage. Tu l’accompagnes dans la chambre, la tension rendant ta démarche un peu raide.

La télé vomi les mêmes paroles, de plus en plus fort, de plus en plus strident. Les courses se multiplient, venant de partout, peut-être même de l’intérieur de ton crâne et cette pensée te fige un instant. Tu t'apprêtes à en faire la remarque à Jakob, mais tu le vois fermer les yeux et tu sais déjà que vous en êtes venu à la même conclusion sans même échanger un mot. Tu inspires un coup et ferme les yeux. Au diable le risque que vous soyez pris à revers dans ces quelques secondes d'inattention. Si ce bordel continue à te retourner le cerveau de la sorte, tu ne saurais garantir votre santé mentale à la sortie de cette masure horrible.

Tu te concentres, te calfeutre l’esprit, t’y créant un cocon loin de l’influence néfaste de cette chose qui avait refermé ses ignobles griffes sur tes perceptions et qui prenait un malin plaisir à les mettres en déroute. Le silence qui suit est assourdissant et tu inspires lentement et profondément avant d’ouvrir les yeux. La quiétude des lieux est presque angoissante après tout ce bruit, te donnant la désagréable impression du calme avant la tempête.

”Quelle plaie.” que tu marmonnes, largement audible pour ton compagnon de mésaventures.
Jakob se remet en mouvement dans la pièce et tu l’accompagnes pour poser à nouveau ton regard sur le tiroir laissé ouvert, les filins d’argent toujours soigneusement rangés. Les autres tiroirs ne font qu’ajouter au macabre, hérissant légèrement les cheveux à ta nuque. Tu détestes ce genre de conneries.

”Et ça doit être que la partie visible de l’iceberg. C’est dégueulasse, mais toujours pas mortel.”

On peut vivre sans dents, ongles, cils et cheveux. Désagréable, mais c’est toujours possible. Sauf que les Porter ont disparu. Tu inspires et refermes le dernier tiroir ouvert pendant que Jakob se dirige vers la penderie qui avait attiré ton attention plus tôt sans que tu n’y pousses ton investigation. Son intérêt pour les boîtes sur la tablette fait écho au tien et tu viens l’aider lorsqu’il te le demande.

Tu attrapes une des boîtes sur le lit pour l’ouvrir. Avant d’en ouvrir une seconde et une troisième avec un sentiment tenace de malaise. Parce que quelque chose cloche sous tes yeux, mais que tu mets un moment à le comprendre. Puis Jakob te tend une boîte, le malaise grandissant et tu ne peux que constater devant la fine coupure qu’il a infligé à la poupée.

Et il n’en tient honnêtement pas à beaucoup pour que tu ne lances pas la boîte quand les yeux s’ouvrent d’un coup pour te fixer, mais tu poses sèchement la boîte sur le lit en jurant sèchement, le corp frémissant d’une désagréable dose d’adrénaline qui cavale dans tes veines. Parce qu’ils sont trop réalistes, trop humain et que tu les reconnais. Les mêmes que toutes ces photos d’Elle que tu as vu depuis que tu es ici. Mme Porter.

Et tu as honnêtement envie de tourner les talons et de laisser la police se faire chier à chercher un maniaque qui fabrique des poupées avec ses victimes en faisant comme si ce n’était qu’un homme et pas autre chose d’autrement plus dangereux. Autre chose que les flics ne sauront pas gérer.

Parfois tu détestes être un Hurleur.

”Et des putains d’yeux humains. Ceux d’la femme.”

Que tu grognes, d’humeur exécrable.

”Il mange les chats du quartier, collectionne les dents, ongles, cheveux et cils, fait des poupées avec autant de matière humaine que possible. Et probablement que le couple Porter y est passé. On l’espère pour eux.”

Il fallait arrêter cette connerie avant que l’ignoble créateur qui avait fait ça change simplement de maison pour faire vivre le même calvaire à quelqu’un d’autre. Va savoir combien de victime il y avait déjà.
Jakob Morgensen
Jakob Morgensen

Molosses

Old Boy Ben

1994
tw : Violence, mort, situation morbide, disparition, body horror


Deux p’tites souris noires
Qui couraient dans l’soir
J’les attrape de mon mieux
Je dévore ses messieurs
Ces messieurs surprises
Un festin à l’huile
Un festin de peau
et une lampe de vos os…

Deux hommes sont entrés dans la maison. Deux odeurs. Deux chaleurs. Ça frétille sous le chicots volatile. La salive qui pendouille. Habile.
Les deux hommes avancent et se baladent. Ils vont, viennent, regardent. Rongeurs en exploration, vermine en patrouille. On les voit à travers les yeux. Tous les yeux. Ceux de la maison. Ceux des collections. Le sourire s’étend, d’une oreille à l’autre. On va pouvoir jouer. Elles sont futées ces petites souris. Mais pas assez. Car avant tout elles sont entrées. Dans la tanière. Dans le refuge amer. Venez petites friandises. Venez jouer. On s’ennuie ici dans cette retraite trop longue. On est si seul depuis si longtemps. Les passe-temps ça ne manque pas, mais avec l’âge ma foi, on se lasse. On doit renouveler. On doit rester actif. Oui, c’est ce qu’ils disent. Ne pas s’encroûter. Ça des hobbies on en a. Ça oui. Il y a les belles poupées qu’on a longuement fabriqué. Et aussi les napperons. Plutôt que le plus fin coton, on a trouvé mieux. Des tendons ! Parfait. Et les saucisses dans le séchoir ? Vous y avez goutté ? Tout naturel ! La cuisine est bien équipée. On a tous les appareils. C’est qu’on aime bien ces émissions sur la chaîne de télé-achat. Tous les matins de 10h à midi. Le hachoir électrique, 79.99. Modèle dernier cri, et la machine pour remplir les tripes. Miam. On a hâte d’y goûter. Ça sera savoureux, avec les herbes qu’on y a ajouté.
Bien bien bien mes petites souris. On vous voit admirer nos créations, on entend vos murmures. Alors, charmants non ? Et vous n’avez pas encore trouvé notre tapisserie sur peau. Fragile la peau, si elle n’est pas bien tannée. La votre servira peut être à cela, ou bien à recouvrir le canapé. On a besoin d’un nouveau plaid. La saison est fraîche. Et l’humidité nous ronge les os. Les vôtres serviront aussi, ne vous inquiétez pas mes petits rats. Rien ne se perd, oui, oui, oui. Vos phalanges pour mes maquettes. La moelle en colle pour mes petits avions de funérarium. Ainsi que des osselets pour jouer et occuper les longues journées. Une jambe-canne pour les vieux jours des dos courbés. Comme les autres vous disparaîtrez. Cric bam plouf, envolés. Merci mes ptits chéris d’y avoir pensé.



Il semblait à Jakob que la nuit se faisait soudain plus sombre. L’obscurité plus profonde. A l’extérieur, les lumières des réverbères paraissaient plus ténues comme si une main en diminuait doucement mais sûrement l’intensité. Plus un seul son ne leur parvenait sinon un bourdonnement lointain. Quelque chose de sourd qui résonnait dans le fond du crâne. Un frémissement de ruche étouffé. Le sentiment de malaise qu’il éprouvait depuis qu’ils étaient entrés dans cette maison s’en trouvait renforcé. L’impression de n’être pas seul, jamais.
Alors que Ben faisait le bilan de la situation telle qu’elle se présentait, le chasseur tournait autour d’eux un regard des plus circonspects, cherchant de nouvelles traces, de nouveaux indices. Il n’avait toutefois aucun espoir sur le fait de retrouver les Porter, de les retrouver entiers du moins. Il semblait de plus en plus évident que la Chose qui régnait ici s’était amusé avec eux, au point de les faire disparaître corps et bien.

« Oui… espérons le... » murmura le Hurleur de sa voix soufflée sans vraiment y croire. Vu la perversion des actes constatés, les collections, les poupées, il semblait évident que le couple avait du vivre des derniers instants tragiques avant de rejoindre les créations morbides d’un détraqué. Immobile comme une statue, Jakob repensa au sentiment de peur intense qu’il avait ressenti en touchant le fauteuil du vieux mari. Avec tout ce qu’ils avaient découvert, ça pouvait se comprendre. S’ils ne pouvaient totalement exclure la cause humaine, il était de plus en plus évident qu’ils avaient affaire à un Unseelie. Une créature sournoise et joueuse qui avait du s’introduire dans le foyer et s’amuser avec le couple jusqu’à en avoir assez. Les deux malheureux n’avaient pas du savoir quoi faire. Ils n’y pouvaient rien, de toute manière. Que pouvaient faire deux personnes âgées face à une telle démence ? Mettre des gousses d’ail partout ? Ils n’avaient eu aucune chance.

Mais en auraient-ils davantage qu’eux ?
Les deux Hurleurs étaient en supériorité numérique, mais c’était peut être tout ce qui jouait pour l’instant en leur faveur. Ils ignoraient encore qui était réellement leur adversaire. Ce qu’il était. Jakob était certain qu’il ne s’agissait pas d’un Seraphin. Il savait l’effet que lui causait la proximité de pareilles engeances. Ce n’était pas ce qui était à l’œuvre ici. Mais aux vues de ce qu’ils avaient constaté, ils n’étaient pas non plus face à du menu fretin. Les capacités de la créature la rendaient immanquablement dangereuse, même pour deux chausseurs aussi expérimentés qu’eux.

Et il y avait… autre chose.
Quelque chose que Jakob ne parvenait pas à identifier.
Une impression qui lui broyait les cervicales. Un doute.
Tenace. Terrible.
Une question.

Jusqu’ici ils avaient trouvé des restes de Mrs Porter, mais rien concernant son mari. Alors. Où était-il ? Peut être son corps était-il lui aussi démembré et utilisé dans divers ouvrages abjectes, dispersé ça et là dans la maison. Mais peut être que… peut être que c'était lui, lui qui avait changé.

Alors qu’il était sur le point de formuler cette hypothèse, un son résonna soudain dans le silence de la maison. Un claquement sec, au niveau des fenêtres, des portes. Comme si on venait de verrouiller d’un coup toutes les serrures. Jakob s’approcha de la fenêtre de la chambre et tenta de l’ouvrir mais elle resta obstinément close.

« C’est verrouillé... » Lentement, il se recula puis tourna vers Ben un regard grave. « Ca nous a enfermé… je crois qu’il en a assez de jouer... » dit-il en sortant de sous les pans de son long manteau une dague effilée aux reflets argentés. La lame était frappée d’une multitude de petits caractères, symboles anciens d’une langue tenue secrète.

Comme pour souligner ses mots, l’horloge du salon sonna une nouvelle fois treize coups. C’était l’heure.

A la fin du carillon, quelque chose s’actionna au rez-de-chaussée et de la musique envahit d’un coup le petit pavillon. C’était du jazz, comme on en jouait dans les années 20. Un truc vieux mais qui swing bien. Mais il y avait quelque chose de dissonant dans le rythme du morceau. Le vinyle sautait à chaque passage, parfois ralentissait pour mieux accélérer après.

Après un regard partagé avec son partenaire, Jakob fit un mouvement et se dirigea vers le palier, puis, à pas lents, vers l’escalier. Quelque chose, ou quelqu’un, avait allumé quelques lampes qui diffusaient une lumière timide et grésillante.

Alors qu’il progressait avec prudence, le danois aperçut soudain une petite silhouette disparaitre dans la cuisine. Il n’eut qu’une seconde pour le voir, mais cette vision le percuta de plein fouet comme si on venait de le gifler.
Il était certain qu’il s’agissait d’un homme, visiblement assez âgé, le crâne chauve et le dos légèrement voûté. Ce pouvait-il que…

« Mais où sont donc rangés les biscuits... » l’entendit-il marmonner alors que provenait de la pièce des sons de portes de placard qu’on ouvre et qu’on referme. « Aaaah les voila. Bien bien bien, tout est parfait. Les garçons !? Vous pouvez descendre, le café est prêt ! » Comme pour appuyer cette annonce des plus déconcertantes, monsieur Porter sortit de la cuisine avec dans les mains un plateau sur lequel se trouvaient une cafetière fumante, trois tasses et une assiette couverte d’un petite pyramide de gâteaux secs.

Bien que les mains chargées, le vieil homme s’arrêta sur le seuil de l’escalier et se tourna vers ses invités tout en leur adressant un sourire bienveillant. « Aller, ne faîtes pas vos timides, ça va refroidir... ». Puis sans attendre de voir ce qu’ils faisaient, il se dirigea en traînant ses charentaises vers le salon.

Qu’est ce que c’était que ce…bordel ?!

Les doigts crispés sur son arme, la Mâchoire se mit à descendre les marches à pas lents sans quitter des yeux l’entrée du salon où il entendait leur hôte s’agiter. Arrivé sur le pallier avec Ben, il avança prudemment jusqu’à la pièce. Malgré les lampes allumées, ma luminosité n’était toujours pas bonne. Comme si les ampoules n’étaient que des bougies en fin de vie. Les formes s’étiraient, les ombres se déformaient dans une cacophonie visuelle à vous faire perdre la raison. Au centre de la scène, un petit vieux avec des gestes lents et maladroits qui posaient sur une table les fragiles tasses en porcelaine. Ses mains tremblaient et semblaient rongées par l’arthrose comme l’ensemble de son petit corps voûté. Il paraissait mâchonner son dentier, comme le font souvent les personne âgée. Sa peau était parsemée de tâches de vieillesse et la lumière en renforçait l’aspect parcheminé et distendue.

« Approchez les garçons, approchez, n’ayez pas peur… » dit le petit vieux en servant trois tasses d’un liquide noir et odorant. Contrairement à son apparence, le ton de sa voix révélait une vivacité étonnante, et aussi une dissonance. Incrédule, Jakob regardait cette petite chose vieille et sans défense, et se demandait ce qui était train de se passer ici. Etait-ce une nouvelle forme d’hallucination ? Monsieur Porter venait-il réellement d’apparaître sous leurs yeux ? Ou alors…

Le Hurleur écarquilla les yeux lorsqu’il comprit.

« C’est lui Ben… c’est lui… il a pris la peau du mari. »

Il n’avait que chuchoté ces mots et pourtant il sut tout de suite que la créature les avait entendu car son geste se stoppa d’un coup. Lentement, il reposa la cafetière, mais ses mains ne tremblaient plus.

« On ne vous la fait pas à vous autres hein ? » Dit la Chose à travers la bouche ouverte de Monsieur Porter, et c’était comme si une seconde série de dents bougeaient à l’intérieur de lui. Comme si quelque chose se trouvait sous la peau du malheureux à qui on l’avait dérobé. « Dommage, j’aurai bien aimé continuer à jouer un peu… tant pis… ça va être votre tour. Je serai sans doute plus à mon aise en vous portant vous... »


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