:: MALFEARN :: Central Town
Parce que c'est toi... (ft. Dafydd)
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Parce que c'est toi...
Une quille de plus ou de moins, tu ne savais plus vraiment où tu en étais. Tu te servais de ton essence pour maintenir le cap et rester debout. L'illusion était presque parfaite. Si tu restais à la bière, tu pourrais continuer à ressentir l'effet hypnotisant de l'alcool sans pour autant que l'on voit son effet en toi. Du moins, tu avais décidé d'y croire très fortement, tu t'en étais même persuadé depuis des années. C'était seulement ton carburant. Si tu titubais par moment ou que tu perdais légèrement l'équilibre, tu avais toujours une explication logique à déblatérer.
L’entretien s’était bien passé (en même temps tu étais à jeun ce jour-là). Et ton sourire charmant avait certainement eu raison de la propriétaire de l’office de Malfearn. Quelques jours plus tard, elle te rappelait et tu portais une casquette ringarde le lendemain. Une chemise bleue et un pantalon qui touchait tes chevilles de trop près. Un remplacement, juste ça, mais ça mènerait p’tet à quelque chose ce taff.
Ça faisait bien longtemps que tu avais arrêté d'espérer quoi que ce soit au niveau professionnel. Il n'y avait pas de place pour toi dans chacune des entreprises de cette ville grise. Mais tu ne les blâmais pas, ça serait hypocrite. Tu l'acceptais. Et quand une nouvelle personne débarquait à la tête d'une nouvelle boîte ou qu'elle n'avait prit peine de se renseigner sur ton compte, alors tu saisissais l'occasion. Elle était d'or.
Sur les lignes de la main ou sur une carte, tu connaissais Malfearn comme si tu en étais le maire. Tu connaissais chaque fissure et chaque vague qui venait s'échouer sur les plages sombres. Chacune portait un nom, parfois le désespoir et parfois le bonheur. Souvent le désespoir. Et alors que tu t'efforçais à énumérer chaque nom que tu leur avais trouvé (Cassiopée, Astrée, Lune, Sarah, Grandiose,…)... entre les effluves de brandy, tu revenais à toi,...
Et c'est comme ça que tu l'avais rencontré. Simplement en détournant les yeux. Il avait cet air d'écrivain qui te fascinait. Quelques mots qui sortaient de ces pensées, quelques mots sous sa porte. Quelques mèches rebelles. Il avait cette lueur dans les yeux qui interpellait. Il semblait être un de ces personnages avec des histoires sombres. Tu l'avais ressenti au premier coup d’œil. Ou plutôt compris. Cette sensation te paraissait étrange, complètement nouvelle pour toi. Tu ne savais pas que l'on pouvait avoir l'impression de comprendre quelqu'un d'un simple regard. Du moins, ça ne t'était encore jamais arrivé. Il avait cet air aussi attirant qu'un jour de printemps. Comme les reflets d'un coucher de soleil arrivant de plus en plus tard. Comme le débourrement d'une vigne fragile. Comme un livre interdit que l'on aurait ouvert sans le vouloir.
- Salut, le regard presque fuyant.
Tu n’étais pas très causant des fois. Il ne te laissait pas très causant. Tu ne savais pas vraiment t’y prendre avec les gens. Et puis, quelques bulles remontaient le long de ton œsophage, fallait pas que tu te mettes à être trop naturel. Le naturel ça fait fuir, parfois.
Dafydd Lloyd
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Qu'est-ce qui t'avais pris, Dafydd? Tu avais voulu être près des vagues. Tu voulais oublier le goût amer de ce maudit tour. Tu voulais noyer le gamin blafard et ses moqueries dans le sel marin et l'éthanol. Tu avais escaladé les rochers, complètement ivre... et tu avais glissé sur le lichen, comme un con.
Une autre folie, sans doute.
Regardes-toi, maintenant. Même les beaux mots de tes potes, écrits en rose fluo, n'enlève pas la laideur de ce foutu plâtre. Tu en as pour deux mois. Deux mois à te trimballer en béquilles.
Tout ça, pour un verre de trop.
Tu regardes d'un air maussade la grisaille de la rue principale de Maelfern, une clope aux lèvres. Quelques passants te dévisagent, toi et ta prothèse de bois. Les langues du pub se sont sans doute déliées sur tes excès de la semaine dernière. Tout le monde sait qu'il faut éviter ces maudits cailloux, ici. Tout le monde... sauf le guide touristique de la région. L'étranger. Qu'ils causent, ces badauds!
Tant que leurs ragots ne tombent pas dans l'oreille des ressources humaines de la boîte.
Ils s'étaient arrachés les cheveux, à Cardiff. Les tours de Maelfern se remplissaient bien plus qu'ils ne l'avaient imaginé... et le seul mec à vouloir y travailler comme guide s'était bêtement cassé la cheville.
Ils avaient envoyé Maggie. Une citadine hautaine qui ne supportait pas avoir une tache de boue sur ses beaux escarpins. Elle n'était restée que deux heures en ville avant de reprendre son train. Elle t'avait demandé d'être au kiosque à treize heures tapantes le lendemain pour montrer les us et coutumes de Adventures Tours UK.
Tu souffles un nuage de fumée devant toi. Tu souffles un nuage de fumée devant toi. Maggie n'a pas cessé de vanter la générosité d'ATU à ton égard. Après tout... qu'est-ce qui les obligeait à t'éviter le chômage ? Tu tiendrais le kiosque, t'occuperais de la billetterie et formerait le nouveau.
Maggie n'avait pas arrêté de le vanter. Un brave garçon de la région. Il était né ici, lui. Peut-être apprendrais-tu à aimer la billetterie, t'avait-elle lancé, avec un sourire.
Le nouveau... Tu le vois apparaître, au coin de la rue. Sa tronche... sa tronche te dit quelque chose. Une ombre, du coin de l'oeil. Une silhouette, penchée sur le comptoir enfumé des pubs. Tu le détailles un instant, derrière ton voile de nicotine. Beau garçon. Un air naïf et bienheureux. Les lèvres d'une sensualité exquise, et les traits aussi délicats qu'une fleur sur la neige. Et le coeur déjà au travail, à le voir marcher trop droit.
Trop droit, oui. Tu plisses les yeux. Il y a quelque chose de familier dans cette démarche. Une nervosité que tu connais bien. Un pressentiment. Mais c'est son premier jour, pas vrai?
Laisses-lui une chance.
Tu aimerais lui dire qu'il n'est pas nécéssaire de se déguiser en col blanc, pour ce job. Il pourrait porter un T-shirt de Cannibal Corpses ou The Cure sous sa veste que les touristes ne remarquerait pas. Ou à peine. Tu l'as déjà fait.
Toi, cynique? Peut-être un peu.
Tu lui souris, doucement. Il semble soudainement un peu perdu. Le regard fuyant, dès que ses prunelles s'accrochent aux tiennes. Yeux injectés de sang. Haleine de menthe. Il a mal dormi, le chéri?. Baissera-t-il les yeux comme ça à chaque fois qu'un des clients l'abordera?
"Salut!" Ta réponse est peut-être un peu trop joyeuse. Tu tires une dernière fois sur ta cigarette, recrache la fumée et jettes ton mégot, sur le pavé. Tu empoignes ta béquille, et lui fait signe de te suivre, dans le kiosque.
"Comme tu peux voir... tu as du boulot pour quelques semaines, au moins. Alors comme ça, tu es du coin? Tu as sans doute un paquet d'annecdotes à me raconter. Moi, c'est Dave."
Une autre folie, sans doute.
Regardes-toi, maintenant. Même les beaux mots de tes potes, écrits en rose fluo, n'enlève pas la laideur de ce foutu plâtre. Tu en as pour deux mois. Deux mois à te trimballer en béquilles.
Tout ça, pour un verre de trop.
Tu regardes d'un air maussade la grisaille de la rue principale de Maelfern, une clope aux lèvres. Quelques passants te dévisagent, toi et ta prothèse de bois. Les langues du pub se sont sans doute déliées sur tes excès de la semaine dernière. Tout le monde sait qu'il faut éviter ces maudits cailloux, ici. Tout le monde... sauf le guide touristique de la région. L'étranger. Qu'ils causent, ces badauds!
Tant que leurs ragots ne tombent pas dans l'oreille des ressources humaines de la boîte.
Ils s'étaient arrachés les cheveux, à Cardiff. Les tours de Maelfern se remplissaient bien plus qu'ils ne l'avaient imaginé... et le seul mec à vouloir y travailler comme guide s'était bêtement cassé la cheville.
Ils avaient envoyé Maggie. Une citadine hautaine qui ne supportait pas avoir une tache de boue sur ses beaux escarpins. Elle n'était restée que deux heures en ville avant de reprendre son train. Elle t'avait demandé d'être au kiosque à treize heures tapantes le lendemain pour montrer les us et coutumes de Adventures Tours UK.
Tu souffles un nuage de fumée devant toi. Tu souffles un nuage de fumée devant toi. Maggie n'a pas cessé de vanter la générosité d'ATU à ton égard. Après tout... qu'est-ce qui les obligeait à t'éviter le chômage ? Tu tiendrais le kiosque, t'occuperais de la billetterie et formerait le nouveau.
Maggie n'avait pas arrêté de le vanter. Un brave garçon de la région. Il était né ici, lui. Peut-être apprendrais-tu à aimer la billetterie, t'avait-elle lancé, avec un sourire.
Le nouveau... Tu le vois apparaître, au coin de la rue. Sa tronche... sa tronche te dit quelque chose. Une ombre, du coin de l'oeil. Une silhouette, penchée sur le comptoir enfumé des pubs. Tu le détailles un instant, derrière ton voile de nicotine. Beau garçon. Un air naïf et bienheureux. Les lèvres d'une sensualité exquise, et les traits aussi délicats qu'une fleur sur la neige. Et le coeur déjà au travail, à le voir marcher trop droit.
Trop droit, oui. Tu plisses les yeux. Il y a quelque chose de familier dans cette démarche. Une nervosité que tu connais bien. Un pressentiment. Mais c'est son premier jour, pas vrai?
Laisses-lui une chance.
Tu aimerais lui dire qu'il n'est pas nécéssaire de se déguiser en col blanc, pour ce job. Il pourrait porter un T-shirt de Cannibal Corpses ou The Cure sous sa veste que les touristes ne remarquerait pas. Ou à peine. Tu l'as déjà fait.
Toi, cynique? Peut-être un peu.
Tu lui souris, doucement. Il semble soudainement un peu perdu. Le regard fuyant, dès que ses prunelles s'accrochent aux tiennes. Yeux injectés de sang. Haleine de menthe. Il a mal dormi, le chéri?. Baissera-t-il les yeux comme ça à chaque fois qu'un des clients l'abordera?
"Salut!" Ta réponse est peut-être un peu trop joyeuse. Tu tires une dernière fois sur ta cigarette, recrache la fumée et jettes ton mégot, sur le pavé. Tu empoignes ta béquille, et lui fait signe de te suivre, dans le kiosque.
"Comme tu peux voir... tu as du boulot pour quelques semaines, au moins. Alors comme ça, tu es du coin? Tu as sans doute un paquet d'annecdotes à me raconter. Moi, c'est Dave."
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Parce que c'est toi...
Là, devant le kiosque, tu avais très rapidement cerné le personnage. Mais même derrière un voile de fumée, il t’attirait. Tu ne savais pas vraiment encore dans quel sens et tu ne voulais pas le savoir, pas encore. Tu sentais qu’il te regardait avec une certaine insistance. Un jugement ? Tu balayais vite cette idée de ta tête, tu t’en fichais royalement s'il pouvait se faire un avis négatif de toi en quelques secondes. Fin'. Tu étais comme ça, tu ne pouvais pas t’empêcher d'avoir l’impression de faire mauvaise impression. Donner une mauvaise image de toi était quelque chose qui, paradoxalement, pouvait te créer quelques sueurs froides. L'alcool au moins faisait disparaître ces mauvaises idées, mais tu n'en avais pas assez dans tes veines à cet instant. Merde. T’aurais dû boire une bière de plus avant de partir. Forcément. Tu n'aimais pas la pression et tu commençais à te la mettre fortement. Ce n'était pas vraiment lui qui avait cet effet sur toi, c'était quelque chose de général. La peur de l'inconnu, la peur de tout. Tu m'étonnes que t'es devenu alcoolo-faible.
Reset. Vide-toi la tête. Respire.
T'aimes pas les gens qui jettent leur mégot par terre. Mais tu le regardes faire et tu ne dis rien. Tu te dis juste que c'est dans l'air du temps. Ça doit donner un air cool, ou je-m'en-foutiste, t'en sais rien. Tu ne le comprends pas très bien, mais tu te fais une raison. Tu regardes ailleurs. Tu le suis dans le kiosque comme il te l'a demandé. Avec sa béquille, il n'a pas l'air très à l'aise. Comme s'il venait de les enfiler pour la première fois. Comme s'il allait tanguer par terre à n'importe quel instant. Tu as naturellement activé ton instinct protecteur, un presque rien. Juste tu regardes s'il ne va pas tomber. T'es presque prêt à le rattraper dans tes bras. On ne sait jamais ce qui peut arriver. Il existe bien des accidents tellement stupides que personne ne pourrait y croire. Y'a quinze jours, à quelques villages d'ici, une meuf qui faisait du roller est tombée en évitant une poussette, nuque brisée. Vie arrachée. Cris sanguinolents. C'est con parfois la vie. Mais il ne va pas tomber. Ne fais pas l'abruti.
C'est con ce que l'esprit peut inventer, peut imaginer, peut penser pour éviter de trop stresser. Penser à autre chose. Ça marche bien. À la mort, c'est pas très bien. Du moins, ça fait pas du bien. Mais ça te calme un peu. Elle est quand même vachement conne cette histoire. Puis sa famille, imagine ce que doit penser sa famille. Elle s'appelait comment déjà ? Tu ne t'en rappelais plus.
Davi te sort de tes pensées. Y'a l'impression qu'il y a beaucoup de taf, ou pas vraiment. Mais du temps, tu en as beaucoup donc si tu peux apporter ton aide pendant un moment, alors t'es prêt à lui montrer que ça ne te fait pas peur.
- Oh, ça ne me fait pas peur, tout ce taff. Et oui, je suis du coin, j'ai toujours été du coin. Parfois ta voix zigzague un peu, mais c'est à peine perceptible, hein ? Je suis né ici, à Malfearn. Des histoires, y en a à chaque coin de rue, pas vrai ? Tu tentes, t'es du coin toi aussi ?
Tu essaies de te rappeler de lui, il a l'air d'être un peu plus vieux que toi, mais pas d'une autre génération. Mais tu ne te rappelles pas l'avoir déjà vu, ou alors t'étais pas vraiment là. Ou alors c'est lui qui n'était pas là. Il n'a pas vraiment l'air d'être un gars du coin. P'tet plus un gars de la ville ? T'aimes pas trop la ville.
- Moi c'est Emrys. Enchanté, Davi ! La politesse quand même. Tu lui tends la main pour le saluer. Tu vas le saluer avec une main ferme. C'est comme ça que l'on fait. On t'avait dit de faire comme ça.
- Dis, ça fait pas un peu trop... ma tenue ? Je voulais pas avoir l'air de m'en foutre de ce taf, tu vois ce que je veux dire ? Tu espères qu'il ait compris. Mais t'avais regardé un film à la télé quelques jours avant et un guide touristique était habillé très chic. T'avais juste copié ce modèle.
- Je suis prêt à travailler, c'est quoi la première étape ?
Dafydd Lloyd
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Tu hausses un sourcil. Davi? Tiens, c'est nouveau. Ta mère t'appelait Dewi, mais tu avais laissé ce surnom loin derrière derrière toi. Les américains prononçait n'importe comment ton prénom, donc tu étais devenu Dave, tout simplement. Vient-il de bredouiller? Tu n'en ai pas certain.
Un sourire se dessine sur tes lèvres, en lui tendant la main. Tu l'as bien vu détourner le regard, alors que tu jetais ton mégot. Tu ne lui en veux pas, loin de là. Tu sais que c'est une habitude détestable, que tu as et qui fait honte à chaque fois, à ta vieille mère, lorsque le vent du Nord te pousse vers elle. Pourquoi souiller la terre qui t'a vu naître? Tu n'en sais rien. Peut-être parce que tu l'exècres, au fond. Tu hais Maelfern avec la même intensité qu'Ol' Colwyn. Tu voudrais être loin d'ici. Tu voudrais être en ville et t'éclater. Tu voudrais être à Londres. Non. Tu voudrais être à Liverpool, avec. les murmures poétiques de Robert. Tu voudrais être à Los Angeles pour...
Pourquoi au juste, Dafydd? Pour chasser le fantôme d'un violoncelliste qui n'y est plus? Pour errer sans but dans Skid Row, à la recherche de tes souvenirs, tomber sur ton ancien dealer et enfoncer l'aiguille dans le creux de coude?
Sens-tu son inquiétude, alors qu'il te suit, jusqu'au petit local? Tu te débrouilles encore mal, avec ces béquilles. Quelle idiotie, vraiment! Tu tangues autant qu'un ivrogne. Tu le vois bien qu'il esquisse un geste vers toi, pour t'aider à ouvrir la porte. Mais il se retient. Tu en es soulagé, au fond. Ne manquerait plus qu'il te traite comme un infirme! Déjà que ton petit égo est malmené...
Comment survivras-tu à l'ennui de rester deux mois enfermé entre ces quatre murs de carton? Tu aurais pu avoir un bon job d'agent de voyage, à Cardiff. Mais rester assis en veston et cravate, toute la journée, à être au téléphone, remplir des formulaires et à vendre des tout-inclus en République Dominicaine... Ce n'est pas pour toi.
Tu l'envie déjà de pouvoir profiter de l'air marin à ta place.
Il te serre fort la main, le gamin. Un peu trop fort. S'en rend-il compte? Là, encore, tu n'en est pas certain. Sa voix tressaute, une fois de plus. Est-ce ton imagination. Tu renifles et sourit de plus belle.
"Enchanté Emrys!"
Tu es sûr d'une chose, cependant. Tu reconnais bien cette effluve subtile, qu'il dégage.
Ce jeune homme pue la bière.
"Tu connais les histoires de chaque rue, tu dis? Faut que tu me racontes. Je connais celle de la chapelle. Celle du boisé, au nord. L'histoire du naufrage. Et la maison Griffiths. Marian* m'a raconté, un soir. T'en connais d'autres?"
Hésitation. Tu resteras toujours un étranger ici, pas vrai?
"Hmm... J'ai... j'ai passé un petit bout de temps à Liverpool. À Londres aussi. Et... et à Los Angeles... ouais. J'y suis resté... dix ans, peut-être? Avant de revenir au pays. Mais je viens juste du Nord. Colwyn Bay, tu connais? Je viens du vieux village juste à côté. C'est pas très loin de Liverpool. Ça doit s'entendre un peu, j'imagine?"
Tu lui fais signe d'emmener une chaise en plastique à tes côtés, alors que tu t'installes péniblement sur le siège à roulettes, face au bureau. Tu le fais tourner sur lui-même, en soupirant.
Deux mois.
"Écoute... l'important, c'est que tu te sentes à l'aise."
Tu pointes ses belles chaussures.
"Tu penses passer de quatre à huit heures par jour, avec ça? Vraiment, tu n'as besoin que d'un bon manteau, des jeans et de bonnes godasses. Habilles-toi comme tu veux, vraiment. Les touristes ne viennent pas pour des entretiens, eux. Et la casquette, franchement... à moins que tu n'aies pas d'autres couvre-chefs en cas de pluie, tu peux la laisser tomber."
Elle ne lui va pas très bien, de toute manière.
Tu t'éclaircis la gorge. Par quoi commence-t-on, oui, quand on a un nouvel employé ivre, devant soi?
Tu inspires. Combien de fois t'es-tu présenté au staff complètement défoncé, à Liverpool? Bien trop souvent. Assez pour être sur la liste noire de toutes les agences de la ville. Il est foutu, si tu en parles aux ressources humaines. Tu aurais voulu qu'on te laisse ta chance. Tu travaillais dur, pour être sobre. Si dur pour être un gars bien, pour te refaire un soi-disant de vie. Pour que Robert soit fier de toi. Pour que Tom...
Tu secoues la tête, dans le vide. Non. Pas besoin d'alerter Maggie pour qu'elle se rammène le derrière ici. Emrys mérite un coup de pouce, tu le sens. Mais pas question de le laisser devant les clients aujourd'hui. Ce genre de choses finissaient par se remarquer. Les touristes finissent toujours par s'en apercevoir. Il recevrait des plaintes. Foutu, dès sa première journée. Tu jettes un coup d'oeil dehors. Le ciel est gris. Prévoit-on de la pluie? Non. Aucune. Mais le gosse n'a sûrement pas regardé la météo, avant de partir.
Tu téléphoneras aux clients pour remettre leur promenade à demain, dès que ton nouveau confrère aura le dos tourné.
"Respire, c'est ton jour de chance. Des averses sont prévues, en fin d'après-midi. Les touristes, tu sais comment ils sont dès qu'il y a une goutte d'eau ! Bienvenue au pays de Galles ! Pourquoi tu ne me parles pas un peu de ce que tu sais de Maelfern, tiens? Après, on fait le tour du programme de la visite ensemble. Les trucs à montrer aux clients, tout ça. Dans une heure et demie, tu es relax chez toi et payé pour la journée. Pas mal comme début, hein?"
Tu hausses un sourcil. Davi? Tiens, c'est nouveau. Ta mère t'appelait Dewi, mais tu avais laissé ce surnom loin derrière derrière toi. Les américains prononçait n'importe comment ton prénom, donc tu étais devenu Dave, tout simplement. Vient-il de bredouiller? Tu n'en ai pas certain.
Un sourire se dessine sur tes lèvres, en lui tendant la main. Tu l'as bien vu détourner le regard, alors que tu jetais ton mégot. Tu ne lui en veux pas, loin de là. Tu sais que c'est une habitude détestable, que tu as et qui fait honte à chaque fois, à ta vieille mère, lorsque le vent du Nord te pousse vers elle. Pourquoi souiller la terre qui t'a vu naître? Tu n'en sais rien. Peut-être parce que tu l'exècres, au fond. Tu hais Maelfern avec la même intensité qu'Ol' Colwyn. Tu voudrais être loin d'ici. Tu voudrais être en ville et t'éclater. Tu voudrais être à Londres. Non. Tu voudrais être à Liverpool, avec. les murmures poétiques de Robert. Tu voudrais être à Los Angeles pour...
Pourquoi au juste, Dafydd? Pour chasser le fantôme d'un violoncelliste qui n'y est plus? Pour errer sans but dans Skid Row, à la recherche de tes souvenirs, tomber sur ton ancien dealer et enfoncer l'aiguille dans le creux de coude?
Sens-tu son inquiétude, alors qu'il te suit, jusqu'au petit local? Tu te débrouilles encore mal, avec ces béquilles. Quelle idiotie, vraiment! Tu tangues autant qu'un ivrogne. Tu le vois bien qu'il esquisse un geste vers toi, pour t'aider à ouvrir la porte. Mais il se retient. Tu en es soulagé, au fond. Ne manquerait plus qu'il te traite comme un infirme! Déjà que ton petit égo est malmené...
Comment survivras-tu à l'ennui de rester deux mois enfermé entre ces quatre murs de carton? Tu aurais pu avoir un bon job d'agent de voyage, à Cardiff. Mais rester assis en veston et cravate, toute la journée, à être au téléphone, remplir des formulaires et à vendre des tout-inclus en République Dominicaine... Ce n'est pas pour toi.
Tu l'envie déjà de pouvoir profiter de l'air marin à ta place.
Il te serre fort la main, le gamin. Un peu trop fort. S'en rend-il compte? Là, encore, tu n'en est pas certain. Sa voix tressaute, une fois de plus. Est-ce ton imagination. Tu renifles et sourit de plus belle.
"Enchanté Emrys!"
Tu es sûr d'une chose, cependant. Tu reconnais bien cette effluve subtile, qu'il dégage.
Ce jeune homme pue la bière.
"Tu connais les histoires de chaque rue, tu dis? Faut que tu me racontes. Je connais celle de la chapelle. Celle du boisé, au nord. L'histoire du naufrage. Et la maison Griffiths. Marian* m'a raconté, un soir. T'en connais d'autres?"
Hésitation. Tu resteras toujours un étranger ici, pas vrai?
"Hmm... J'ai... j'ai passé un petit bout de temps à Liverpool. À Londres aussi. Et... et à Los Angeles... ouais. J'y suis resté... dix ans, peut-être? Avant de revenir au pays. Mais je viens juste du Nord. Colwyn Bay, tu connais? Je viens du vieux village juste à côté. C'est pas très loin de Liverpool. Ça doit s'entendre un peu, j'imagine?"
Tu lui fais signe d'emmener une chaise en plastique à tes côtés, alors que tu t'installes péniblement sur le siège à roulettes, face au bureau. Tu le fais tourner sur lui-même, en soupirant.
Deux mois.
"Écoute... l'important, c'est que tu te sentes à l'aise."
Tu pointes ses belles chaussures.
"Tu penses passer de quatre à huit heures par jour, avec ça? Vraiment, tu n'as besoin que d'un bon manteau, des jeans et de bonnes godasses. Habilles-toi comme tu veux, vraiment. Les touristes ne viennent pas pour des entretiens, eux. Et la casquette, franchement... à moins que tu n'aies pas d'autres couvre-chefs en cas de pluie, tu peux la laisser tomber."
Elle ne lui va pas très bien, de toute manière.
Tu t'éclaircis la gorge. Par quoi commence-t-on, oui, quand on a un nouvel employé ivre, devant soi?
Tu inspires. Combien de fois t'es-tu présenté au staff complètement défoncé, à Liverpool? Bien trop souvent. Assez pour être sur la liste noire de toutes les agences de la ville. Il est foutu, si tu en parles aux ressources humaines. Tu aurais voulu qu'on te laisse ta chance. Tu travaillais dur, pour être sobre. Si dur pour être un gars bien, pour te refaire un soi-disant de vie. Pour que Robert soit fier de toi. Pour que Tom...
Tu secoues la tête, dans le vide. Non. Pas besoin d'alerter Maggie pour qu'elle se rammène le derrière ici. Emrys mérite un coup de pouce, tu le sens. Mais pas question de le laisser devant les clients aujourd'hui. Ce genre de choses finissaient par se remarquer. Les touristes finissent toujours par s'en apercevoir. Il recevrait des plaintes. Foutu, dès sa première journée. Tu jettes un coup d'oeil dehors. Le ciel est gris. Prévoit-on de la pluie? Non. Aucune. Mais le gosse n'a sûrement pas regardé la météo, avant de partir.
Tu téléphoneras aux clients pour remettre leur promenade à demain, dès que ton nouveau confrère aura le dos tourné.
"Respire, c'est ton jour de chance. Des averses sont prévues, en fin d'après-midi. Les touristes, tu sais comment ils sont dès qu'il y a une goutte d'eau ! Bienvenue au pays de Galles ! Pourquoi tu ne me parles pas un peu de ce que tu sais de Maelfern, tiens? Après, on fait le tour du programme de la visite ensemble. Les trucs à montrer aux clients, tout ça. Dans une heure et demie, tu es relax chez toi et payé pour la journée. Pas mal comme début, hein?"
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Parce que c'est toi...
- Oui, oui, j’en connais d’autres. Ça te colle un petit sourire quand il évoque les légendes urbaines de Malfearn. Oui, t’en connais d’autres. Certaines sont vagues dans ta tête et d’autres sont beaucoup plus marquées. Trop marquantes. Je les connais pas tous, les vieux du coin t’en diront p’tet dès que j’ai jamais entendu, mais je pourrais t’apprendre de nouvelles histoires.
C’était un gars de la ville, Dafydd. Toi, t’as à peine visité Cardiff et Liverpool, une fois. Je connais Liverpool, c’est une chouette ville. Le reste, c’est trop loin, surtout si c’est après l’océan. Et avec ton père, vous ne sortiez pas vraiment. Il n'avait pas trop les moyens, et même quand il pouvait, il n'aimait pas les voyages. Il avait déjà voyagé dans le passé, mais ça s’était mal passé. Alors les voyages étaient inexistants chez les Doherty. T’avais pas beaucoup vu du pays. Puis de toute façon, t’aimes pas les villes. Tu trouvais ça sale et, avec franchise, ça te faisait peur. Trop de gens. Trop de bruit. Trop de tout. Ça klaxonne, ça sirène, ça ment, la ville. C’était certainement mieux de raisonner comme ça dans ton cas. C’était pas un gars de la ville, Emrys.
Tu continues en réagissant à sa question sur son accent : Et non, ça va, t’as juste un léger accent. Ça s’entend bien en fait.
Chaise en plastique, est-ce que ce sera ton trône pendant le remplacement ? Dafydd te fait signe de t’installer à côté de lui. T’es un peu gêné encore, tu ne le connais pas assez. Déjà que l’endroit n'est pas très grand. Tu toucherais presque le plafond par moments. Alors te rapprocher de lui ne te met pas à l’aise. Le contact humain, ça fait longtemps que t’en as pas eu. Des poignées de mains ne font pas l’affaire. Mais t’as l’habitude, t’as grandi comme ça : entouré par le vide. C’est quelque chose que tu maîtrises depuis longtemps. Être seul. Ça te fait pas peur. Ça te rassure même. C’est pas dangereux, le vide, non ? Tant que tu ne tombes pas dedans, c’est rien. Mais toi, Emrys, t’as jamais eu peur de tomber dans le vide parce que t’as toujours été dedans. Alors, quand tu laisses dépasser ta tête du précipice, ça te fait toujours quelque chose dans le ventre et ça noircit ta vision aussi. Mais, hoche la tête. Quelques gouttes du seigneur et voilà. Tu souris un peu bêtement en pensant à ça.
- Ok, j’ai saisi pour la tenue, en retirant ta casquette immédiatement. Tu passes ta main dans tes cheveux pour les remettre en place. Tu penses qu'ils sont tout froissés et que des plis se sont formés sur l’arrière de ton crâne, mais en vrai ça ne se voit pas trop. Tu as remarqué son honnêteté. Et tu aimes ça, les gens honnêtes. Ça te donne un peu confiance en lui.
Il secoue la tête dans le vide et tu trouves qu’il inspire un peu fort, Dafydd. Est-ce que ça serait possible qu’il se doute de quelque chose, parce qu’en vrai t’es pas vraiment bourré, t’as juste un peu dépassé les limites. Tout était sous contrôle, tu en étais sûr. Alors, tu t’enfonces bien au fond de ta chaise en plastique. Histoire d’être sûr que ton haleine ne verse pas les fragrances de bière jusqu’à lui. Toi, tu ne le sens pas et tu t’en es accommodé. Et même s’il est proche de toi, p’tet que.
Dafydd commence à t’expliquer ta première journée. Tu trouves ça un peu bizarre, mais ça te va. Tu pensais commencer aujourd’hui à faire des visites. Mais ça sera bien plus cool. Ça t’enlève une petite couche de stress. Ça te soulage même. Tu lui réponds d’une onomatopée aspirée. Puis tu rajoutes avec une légère pression, celle de devoir tenir une conversation.
- Hé bien, y’a plein de trucs à savoir sur Malfearn, même si ça n’en a pas l’air. Et quand on n’est pas d’ici, c’est facile de passer à côté de plein de choses. Tu prends une pause. D’ailleurs, t’as pas parlé du manoir Weber. Fin’, c’est pas vraiment un manoir, avec un rire nerveux, c’est juste une grande maison abandonnée depuis des années. Mais je me rappelle qu’en étant gosse, ça me foutait les jetons de passer à côté. J’habite pas très loin. Et plus tard, c’est devenu le coin que les ados fréquentaient pour se foutre la frousse. Les vieux du coin disaient qu’il était hanté. Mais perso, j’ai jamais rien vu dépasser par les fenêtres et personne n'a jamais rien vraiment rapporté. Après on sait pas si c’est vrai.
C’était vrai. Ton père t’avait raconté que c’était vrai une fois pour te faire peur. Ça avait marché. Puis quand tu as su pour ces dons de voyance, ça t’avait juste confirmé ses dires. T’avais mis les pieds une fois dans ce manoir, avec un groupe de potes idiots. Tu t’étais laissé embarquer même si tu ne le voulais pas. Ça t’avait terrifié. T’étais jeune, c’est tout. Mais c’est pas aujourd’hui que t’accepterais d’y remettre les pieds une seconde fois. Certainement pas.
- On y voit pas grand-chose derrière les grandes haies, mais ça pourrait p’tet être intéressant d’en parler aux touristes, non ? Petite suggestion. Tant qu’on ne rentre pas dedans ça me va. Et toi, t’as parlé d’un naufrage ? Non ? J’suis pas sûr de la connaître celle-là.
Mais faudrait pas que ça soit trop long, d'être enfermé avec lui.
Dafydd Lloyd
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Chaise musicale. Tu tires le banc de plastique près de toi, pour qu'il puisse avoir une vue d'ensemble des cartes de la région et des pamphlets publicitaires qui seront son quotidien. Tu tapotes le siège amicalement et lui sourit avec douceur. Certes, l'odeur rance du houblon est présente mais le reste est loin d'être désagréable. Et puis... le problème est réglé, et la solution toute trouvée, non? Il ne baladera pas les touristes dans cet état. Et il gardera son job.
Reste à voir comment il se présentera demain.
Mais on n'est pas encore demain. Tout va bien, Dafydd.
Tout va bien, pour l'instant.
Ah! L'horrible casquette et ses couleurs criardes cède sa place à une chevelure d'ambre et de miel. Une chevelure qui doit être douce sous les doigts, à la lumière du couchant. Oh! Bel enfant bercé par l'ivresse! Tu te mordilles nerveusement la lèvre, en faisant mine de chercher un stylo. Liverpool, une chouette ville? Pourrais-tu en dire autant, toi qui connait trop bien ses appartements crasseux et humides et ses matelas tâchés jetés par terre, sans fioritures? Toi qui connait un peu trop bien ses bouges glauques où l'amour meure avant même les derniers râles d'indifférence? Est-ce qu'elle te manque, Liverpool?
Pas vraiment. Mais tu dois admettre que tes chances d'un peu de bon temps sont rarissimes, ici. Pour ne pas dire inexistantes. Le rose te monterait aux joues alors que vos genoux se touchent presque.
Tu laisses tomber un rire sans joie. Ah! Et il est un peu flatteur, le nouvel employé du mois, en plus! Combien de fois t'as-t-on regardé de travers, ici, à peine la bouche ouverte? Vous v'nez pas d'ici, vous..
C'est peine perdue, tu as essayé de leur tirer mille fois les vers du nez. Les vieux du coin gardent jalousement leurs histoires et leurs contes pour ceux qui savent prononcer les voyelles à leur façon. Putain de hwntw, qu'ils doivent se dire. Tu le leur rends bien, à ces maudits hogs.*
"Ouais... bien, ils ne veulent rien me dire, à moi. Je ne suis pas de la région. Enfin... c'est ce qu'il croient."
Tu fais la moue. Pourquoi cet aveu?
Tu te tais un moment. Ils ne veulent parler de rien. Même pas de ceux qui sont parti à la Grande Guerre, même de ceux qui sont jadis tombé entre les cuisses d'une infirmière du Nord. Tu soupire et tend l'oreille.
"Le Manoir Weber?"
L'étincelle s'allume de nouveau, dans tes yeux de malachite. L'étincelle malicieuse des coups foireux. Ceux qui n'emmène jamais rien de bon. Non. On ne t'en a jamais parlé. Mais c'est trop tard. Maintenant, tu veux en savoir davantage.
"Il est hanté comment? Que s'y est-il passé?"
Tu jettes un regard à terre. À ta béquille et ce plâtre aux peintures de guerre fluo qui te nargue et te rappelle un peu trop l'être délavé qui s'est moqué de toi, la semaine dernière. Pourrais-tu traverser la viile avec ça?
Pour un peu d'adrénaline? Absolument.
Tu te passes la langue sur les lèvres.
"Pourquoi, tant qu'on n'y entre pas? Oh! Allez! Ne sois pas trouillard Emrys! Ça fait partie du job. Ce ne sont que des histoires, non? Tu es payé pour la journée... Et pourquoi tu ne me ferais pas faire un tour de ce manoir? Comme ça, tu seras fin prêt pour le grand jour demain."
Un sourire éclaire enfin ton beau visage.
"Et je pourrai te raconter cette histoire de naufrage en chemin!"
__
*Il parait qu'il y a une bonne rivalité entre le nord et le sud du Pays de Galles depuis des millénaires.
Reste à voir comment il se présentera demain.
Mais on n'est pas encore demain. Tout va bien, Dafydd.
Tout va bien, pour l'instant.
Ah! L'horrible casquette et ses couleurs criardes cède sa place à une chevelure d'ambre et de miel. Une chevelure qui doit être douce sous les doigts, à la lumière du couchant. Oh! Bel enfant bercé par l'ivresse! Tu te mordilles nerveusement la lèvre, en faisant mine de chercher un stylo. Liverpool, une chouette ville? Pourrais-tu en dire autant, toi qui connait trop bien ses appartements crasseux et humides et ses matelas tâchés jetés par terre, sans fioritures? Toi qui connait un peu trop bien ses bouges glauques où l'amour meure avant même les derniers râles d'indifférence? Est-ce qu'elle te manque, Liverpool?
Pas vraiment. Mais tu dois admettre que tes chances d'un peu de bon temps sont rarissimes, ici. Pour ne pas dire inexistantes. Le rose te monterait aux joues alors que vos genoux se touchent presque.
Tu laisses tomber un rire sans joie. Ah! Et il est un peu flatteur, le nouvel employé du mois, en plus! Combien de fois t'as-t-on regardé de travers, ici, à peine la bouche ouverte? Vous v'nez pas d'ici, vous..
C'est peine perdue, tu as essayé de leur tirer mille fois les vers du nez. Les vieux du coin gardent jalousement leurs histoires et leurs contes pour ceux qui savent prononcer les voyelles à leur façon. Putain de hwntw, qu'ils doivent se dire. Tu le leur rends bien, à ces maudits hogs.*
"Ouais... bien, ils ne veulent rien me dire, à moi. Je ne suis pas de la région. Enfin... c'est ce qu'il croient."
Tu fais la moue. Pourquoi cet aveu?
Tu te tais un moment. Ils ne veulent parler de rien. Même pas de ceux qui sont parti à la Grande Guerre, même de ceux qui sont jadis tombé entre les cuisses d'une infirmière du Nord. Tu soupire et tend l'oreille.
"Le Manoir Weber?"
L'étincelle s'allume de nouveau, dans tes yeux de malachite. L'étincelle malicieuse des coups foireux. Ceux qui n'emmène jamais rien de bon. Non. On ne t'en a jamais parlé. Mais c'est trop tard. Maintenant, tu veux en savoir davantage.
"Il est hanté comment? Que s'y est-il passé?"
Tu jettes un regard à terre. À ta béquille et ce plâtre aux peintures de guerre fluo qui te nargue et te rappelle un peu trop l'être délavé qui s'est moqué de toi, la semaine dernière. Pourrais-tu traverser la viile avec ça?
Pour un peu d'adrénaline? Absolument.
Tu te passes la langue sur les lèvres.
"Pourquoi, tant qu'on n'y entre pas? Oh! Allez! Ne sois pas trouillard Emrys! Ça fait partie du job. Ce ne sont que des histoires, non? Tu es payé pour la journée... Et pourquoi tu ne me ferais pas faire un tour de ce manoir? Comme ça, tu seras fin prêt pour le grand jour demain."
Un sourire éclaire enfin ton beau visage.
"Et je pourrai te raconter cette histoire de naufrage en chemin!"
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*Il parait qu'il y a une bonne rivalité entre le nord et le sud du Pays de Galles depuis des millénaires.