:: MALFEARN :: Port District
a holy fool, all colored blue
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Kalen Blackwood
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it's always darkest before the dawn.
seven devils all around me,
seven devils in my house.
@Vitold Chokowski & @Kalen Blackwood — 29.03.2023
(TW : sang)
Il remontait l’artère principale d’un pas vif, avec cet air pressé de quelqu’un qui fuyait dieu sait quoi. Pourtant personne n’était à ses trousses et nul ne l’attendait, pas vraiment en tout cas, il était donc quasi anonyme dans le paysage. Au fond, Kal redoutait l’instant où il franchirait le seuil de l’appartement miteux qu’il partageait avec son père. Ils s’étaient encore engueulés un peu plus tôt dans la matinée et depuis, il trainait dehors sans but, si ce n’était de repousser une énième discussion orageuse. La pile de factures s’amoncelait sur l’unique table en bois usée et les ressources diminuaient comme peau de chagrin. Il avait bien eu une suggestion à ce sujet, mais celle-ci avait aussitôt été balayée d’un revers de main : il était hors de question de demander de l’aide à la famille Blackwood. Le garçon s’était aussitôt énervé, puis avait pesté en vain face à l’intransigeance du paternel à qui il avait claqué la porte au nez. Il se débrouillerait dans son coin, d’abord en cherchant un boulot puis en brisant la promesse qu’il avait faite en arrivant ici. Certaines vérités méritaient d’éclater au grand jour et il n’avait pas encore tout à fait pardonné les années de silence à l’écart des siens. Sa mère…. Que lui était-il arrivé exactement ? Pourquoi Gat voulait-il à tout prix le maintenir éloigné pour finalement abdiquer en raison de sa santé déclinante ? L’ensemble titillait sa curiosité et le patriarche était naïf de croire que l’enfant tempête écouterait sagement désobéir. Il n’était pas de ce bois-là, ne l’avait jamais été au demeurant sauf quand ça l’arrangeait. Au bout d’une bonne heure de marche, il réalisa soudainement qu’il s’était perdu dans le dédale de rues pour la plupart similaires. En contrebas il entendait la mer s’écraser sur les récifs et en devinait l’aspect mousseux qui avançait puis se retirait pour tout recommencer inlassablement. Silencieux, les mains dans les poches, il resta là un moment immobile à observer la nature sauvage prendre le dessus sur les constructions humaines, quand soudain un fourmillement familier remonta le long de sa colonne vertébrale. Pas maintenant. Mais il ne contrôlait pas cet autre lui (c’était ainsi qu’il le nommait) qui écrasait tout sur son passage afin de prendre le dessus durant une période indéfinie. Il entendit une voix, peut-être plus, il était incapable de préciser avec exactitude et un voile blanc se matérialisa devant ses yeux. Depuis qu’il foulait cette terre, la maladie – ou du moins ce qu’il identifiait en tant que tel – était d’une ardeur redoutable aux assauts redoublés. Le gout de rouille inonda sa bouche tandis que le sang perlait au-dessus de ses lèvres. En un battement de cil il s’effondra sur le pavé humide dans un bruit sourd. Une minute ou davantage le laissèrent presque pour mort avant que sa poitrine ne se soulève dans un soubresaut et que ses yeux verts rencontrent une silhouette inconnue au-dessus de lui. Merde. Combien de temps était-il resté inconscient ? Il se redressa promptement en position assise non sans grimacer – des gravillons avaient laissé des traces supplémentaires sur sa peau diaphane. « Je suis tombé. » Finit-il par lâcher en toisant l’inconnu à ses côtés afin d’anticiper les éventuelles interrogations.
Vitold Chokowski
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C’est une matinée fragile, brumeuse. Elle donne à la ville des tons gris et bleutés, de cette couleur spécifique qui ressemblerait presque aux crépuscules d’été. Mais l’air est encore frais et l’humidité s’accroche à son manteau noir. C’est calmement qu’il avance, retourne chez lui.
Un sac en toile se balance à chacun de ses pas. D’habitude, c’est Crapaud qui fait les courses mais il n’est pas rare que Vitold fasse quelques exceptions. La petite boutique qui sert de commerce de proximité n’est pas bien grand et la vieille qui tient la caisse lui jette bien souvent des regards critiques mais le thanatopracteur ne s’en formalise pas. Cela fait partie des habitudes. Des rituels, qui s’étirent sur son chemin. Un tracé d’évènements inévitables comme, par exemple, la mort et ce qu’elle emporte. Hier, ce fut Melodie Harper, 75 ans. La vieille institutrice de Malfearn. Celle à qui il faisait tellement peur quand il était enfant. La voilà qui repose dans la chambre froide. Qui ne peut s’en remettre qu’à lui pour ses derniers soins. Alors, pour elle, il est allé chercher du café, un petit bouquet de fleurs et l’affreux rouge à lèvre rose qu’elle portait à l’école. Celui que ses descendants n’ont pu lui fournir.
Café. Bouquet de fleurs. Rouge à lèvres. Etrange résumé d’une vie n’est ce pas.
La brise s’intensifie. Tente de dégager la brume. Il fait mauvais temps, évènement régulier pour l'hiver. Les pêcheurs se félicitent de la pluie qui accentue la pêche. Il les entend au loin, vague murmure de discussions enthousiastes. Les voiles de leur bateau claquent encore sans que ces derniers ne puissent retrouver la liberté de la mer.
Un virage. Le pavé. La silhouette qui s’y étale. Vitold s’arrête. Les yeux noirs se plissent, sourcils froncés. C’est un homme.
Inévitablement il s’en rapproche. La raideur de sa stature n’empêche pas son empathie. Il est né pour aider, une certaine catégorie d’être certes. Mais le réflexe revient vite.
« Monsieur ? » Sa voix est grave. « Monsieur. » Il ne veut pas le toucher – cela pourrait aggraver les choses. Mais les yeux s’entrouvrent, l’homme se redresse. Assis, il est plus petit encore. Etrangement plus frêle.
Je suis tombé
« Avez-vous mal ? » Que cela soit l’os ou le cœur. « Dois-je appeler quelqu’un ? » Il y a bien un médecin sur Malfearn – un qui tolère qu’il prenne les clients de l’île. Bon débarras. « Ne vous relevez pas tout de suite, faites attention. »
Un sac en toile se balance à chacun de ses pas. D’habitude, c’est Crapaud qui fait les courses mais il n’est pas rare que Vitold fasse quelques exceptions. La petite boutique qui sert de commerce de proximité n’est pas bien grand et la vieille qui tient la caisse lui jette bien souvent des regards critiques mais le thanatopracteur ne s’en formalise pas. Cela fait partie des habitudes. Des rituels, qui s’étirent sur son chemin. Un tracé d’évènements inévitables comme, par exemple, la mort et ce qu’elle emporte. Hier, ce fut Melodie Harper, 75 ans. La vieille institutrice de Malfearn. Celle à qui il faisait tellement peur quand il était enfant. La voilà qui repose dans la chambre froide. Qui ne peut s’en remettre qu’à lui pour ses derniers soins. Alors, pour elle, il est allé chercher du café, un petit bouquet de fleurs et l’affreux rouge à lèvre rose qu’elle portait à l’école. Celui que ses descendants n’ont pu lui fournir.
Café. Bouquet de fleurs. Rouge à lèvres. Etrange résumé d’une vie n’est ce pas.
La brise s’intensifie. Tente de dégager la brume. Il fait mauvais temps, évènement régulier pour l'hiver. Les pêcheurs se félicitent de la pluie qui accentue la pêche. Il les entend au loin, vague murmure de discussions enthousiastes. Les voiles de leur bateau claquent encore sans que ces derniers ne puissent retrouver la liberté de la mer.
Un virage. Le pavé. La silhouette qui s’y étale. Vitold s’arrête. Les yeux noirs se plissent, sourcils froncés. C’est un homme.
Inévitablement il s’en rapproche. La raideur de sa stature n’empêche pas son empathie. Il est né pour aider, une certaine catégorie d’être certes. Mais le réflexe revient vite.
« Monsieur ? » Sa voix est grave. « Monsieur. » Il ne veut pas le toucher – cela pourrait aggraver les choses. Mais les yeux s’entrouvrent, l’homme se redresse. Assis, il est plus petit encore. Etrangement plus frêle.
Je suis tombé
« Avez-vous mal ? » Que cela soit l’os ou le cœur. « Dois-je appeler quelqu’un ? » Il y a bien un médecin sur Malfearn – un qui tolère qu’il prenne les clients de l’île. Bon débarras. « Ne vous relevez pas tout de suite, faites attention. »
Kalen Blackwood
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Ses états de faiblesse le plongeaient dans une colère sourde difficile à museler. Il n’arrivait pas à maitriser ces aléas ou plutôt à se maitriser quand les premiers symptômes se manifestaient à l’improviste. C’était comme une boucle qui se répétait à l’infini et à laquelle il ne trouvait aucune solution viable à l’exception des cachets qui le rendaient apathique. Leur usage était effectivement à double tranchant et il ne voulait plus les prendre, toutefois il n’avait pas vraiment le choix car les crises redoublaient d’intensité. Et pour preuve, il venait de tomber telle une vulgaire poupée de chiffon. Le gout métallique dans la bouche ainsi que le pas sur le bitume détrempé le rappelèrent parmi les vivants et il croisa le regard d’un inconnu qui le toisait avec inquiétude. Était-il réel ? Ou s’agissait-il d’une énième supercherie de son cerveau endommagé ? Les doigts au fond de sa poche gauche effleurèrent le bord d’une épingle pour s’y enfoncer ; la douleur était suffisamment authentique pour être vraie. À défaut de pouvoir justifier ce qu’il fichait par terre, il se surprit donc à mentir pour excuser sa chute pas vraiment banale pour un garçon de son âge. Il eut ensuite une minute de latence pour recouvrer ses esprits et se redresser sur ses mains égratignées sans pour autant se lever complètement. Combien de temps était-il resté inconscient ? Parfois c’était l’affaire de quelques secondes, parfois davantage avec un résultat similaire de malaise à la clef. « Non. » Partout aurait été une réponse plus adéquate à sa demande mais il ne le connaissait pas, ni ne voulait l’importuner. Intérieurement il se sentait brisé en tout point depuis des mois voire une éternité. Il avait pensé que venir ici le soulagerait – et quelque part le changement d’air était bénéfique – mais ses vieux démons n’étaient jamais bien loin. Kalen se sentait maudit par une force supérieure dont il n’avait aucune preuve et qui lui aurait probablement valu un séjour dans un établissement spécialisé pour peu qu’il en parla ouvertement. « Je n’ai personne, je suis seul. » A son grand étonnement, les mensonges s’entrechoquaient entre ses lèvres à une vitesse prodigieuse alors qu’il n’avait rien à prouver à qui que ce soit. Gat aurait peut-être pu venir le récupérer pour peu qu’il fût de bonne humeur néanmoins l’esclandre de la matinée avait scellé son sort. Ça ne changeait pas grand-chose, il avait l’habitude de se débrouiller dans son coin pour à peu près tout. « Est-ce que… Je ne suis pas certain de pouvoir me lever sans appui. » La situation était gênante mais il n’avait pas forcément le choix que de s’en remettre à l’homme qui le surplombait, au moins provisoirement. « Je m’appelle Kalen. » Ajouta-t-il par réflexe à sa requête. Au fil des ans, il avait appris que les noms avaient un certain pouvoir lorsqu’ils étaient maniés à bon escient. Le sien avait fait l’objet de rétention pour sa pseudo sécurité s’il s’en tenait aux propos de son père. « Je suis nouveau ici, pas très familier des rues. » Il n’avait jamais autant déblatéré que maintenant, cette ville était décidément étrange.
Vitold Chokowski
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Ah, les rues. Mystérieux dédale, parfois frissonnant de piège. Les rues de Malfearn devenaient parfois un labyrinthe inextricable où bon nombre perdaient patience. Cauchemar des visiteurs et même parfois des habitués, les pavés glissant devenaient des ennemis féroces à l’aube comme à la nuit tombée. Les jours de pluie, une véritable rivière déchainée les habitait. Vitold n’eut donc pas de sourire moqueur ou empli de pitié à ces considérations, se contentant de murmurer un bref :
« Elles réservent parfois quelques surprises en effet. » Son corps ploya en sa direction, offrant à sa demande un bras ferme en soutien. Sous son apparence tranquille, mince et élégante, se cachait des ressorts de fil de fer tendus pour s’occuper des cadavres. Cette musculature n’allait certainement pas lui faire défaut auprès de ce « Kalen ».
« Vitold Chokowski. J’ai un office, un peu plus bas dans la rue. Si vous voulez, je peux vous y conduire. Cela vous permettra de vous mettre au sec, de boire un café et de vous reposer. » Le breuvage changeait en fonction de l’identité de la personne face à lui mais il n’en fit pas mention. Il ne lui semblait pas que l’autre soit un Versant. Pas à première vue en tout cas. Trop sociable, trop peiné, trop humain.
« Vous avez un peu de sang au coin des lèvres. Il est possible que vous vous soyez mordu la langue en tombant. » De sa poche, il tire un mouchoir blanc, mais un peu passé. Une vieille étoffe brodée de roses et deux initiale y sont cousus à la main, avec patience mais sans talent : O.C.
« Elles réservent parfois quelques surprises en effet. » Son corps ploya en sa direction, offrant à sa demande un bras ferme en soutien. Sous son apparence tranquille, mince et élégante, se cachait des ressorts de fil de fer tendus pour s’occuper des cadavres. Cette musculature n’allait certainement pas lui faire défaut auprès de ce « Kalen ».
« Vitold Chokowski. J’ai un office, un peu plus bas dans la rue. Si vous voulez, je peux vous y conduire. Cela vous permettra de vous mettre au sec, de boire un café et de vous reposer. » Le breuvage changeait en fonction de l’identité de la personne face à lui mais il n’en fit pas mention. Il ne lui semblait pas que l’autre soit un Versant. Pas à première vue en tout cas. Trop sociable, trop peiné, trop humain.
« Vous avez un peu de sang au coin des lèvres. Il est possible que vous vous soyez mordu la langue en tombant. » De sa poche, il tire un mouchoir blanc, mais un peu passé. Une vieille étoffe brodée de roses et deux initiale y sont cousus à la main, avec patience mais sans talent : O.C.
Kalen Blackwood
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Il n’était pas bavard de nature, il préférait les gestes ou les regards expressifs à la parole dans la plupart des cas. Pour autant, la compagnie maussade et silencieuse de son père depuis des mois, le forçait à chercher un semblant de contact humain où il le pouvait. Il se rappelait d’ailleurs avoir lu quelque part, que l’homme n’était pas capable de vivre indéfiniment seul et l’instinct grégaire refaisait rapidement surface y compris pour les esprits rétifs de nature. C’était donc tombé sur cet inconnu par un heureux coup du hasard précipité par sa chute soudaine sur le pavé humide. Il se frotta légèrement le haut de la cuisse pour faire passer la douleur de passage et releva le menton pour le toiser avec intérêt. « Surtout pour ceux qui sont maladroits. » Il eut un bref sourire pour excuser ce qui venait de se dérouler et posa sa main sur le bras qu’il lui présentait afin de se hisser sur ses deux jambes. Le retour sur la terre ferme le fit osciller tel un brin de roseau avant de retrouver son axe initial. D’ici, son interlocuteur paraissait assurément plus grand, plus longiligne encore qu’il ne l’avait pressenti auparavant. Quelque chose d’indéfinissable se dégageait de sa haute silhouette mais la confiance prédominait tout le reste, raison pour laquelle, il s’était senti obligé de poursuivre la conversation. « C’est très gentil à vous mais je ne veux pas vous déranger si vous étiez en route pour voir quelqu’un… » Un bref coup d’œil à ses atours lui avait appris que Vitold était sûrement attendu ailleurs et qu’en venant à son secours, il s’était détourné de sa tâche initiale. Kalen ne voulait pas être ce poids sur ses épaules dont il se sentait momentanément responsable par un excès d’altruisme. Le bon samaritain en avait assez fait et le garçon pouvait retrouver son chemin seul même si la perspective de partager une boisson chaude n’aurait pas été pour lui déplaire. « Oh… Je n’avais pas vu, merci. » Il accepta l’offrande du bout des doigts pour essuyer le liquide carmin presque sec et observa ensuite le tissu usé aux initiales dissonantes avec l’identité de son propriétaire. S’il avait relevé l’irrégularité il ne dit rien, ça ne le regardait pas. « Puis je le garder et vous le rendre plus tard quand je l’aurais nettoyé ? » Un peu de rouge colora ses joues, honteux d’avoir souillé un bel objet de la sorte qui ne lui appartenait pas. « Vous pouvez me tutoyer, après tout vous m’avez presque vu tomber je pense que cela suffit pour briser la glace. » Il haussa les épaules, soudainement silencieux car il ne savait pas quoi faire, ou plutôt si il voulait rester à ses côtés.
Vitold Chokowski
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Emprunté, même gêné, le jeune homme parvint à se redresser non sans mal, le contemplant de sa taille menue – Vitold le trouve d’autant plus chétif, et l’inquiétude qui subsistait dans son regard se durcit un rien. « Vous ne me dérangez pas. J’étais sorti faire une course, mon aide s’occupe du jardin. » Sa main se tend, désigne le bas de la rue. « Je vis près du port et ce n’est vraiment pas loin. Je préfère que vous m’accompagniez, sauf si votre jambe vous fait mal. Auquel cas je peux faire appeler quelqu’un. » Ici, il connait les noms de chaque adresse. Et les rideaux s’entrouvrent très légèrement dans le dos de Kalen avant de se refermer. La ville est silencieuse mais attentive en cette matinée. Il est fort possible que bon nombre ait assisté à la chute sans s’en mêler. C’est ainsi.
(peut-être ont-ils constaté le départ de son père, de la même manière, dans un silence assourdissant et quelques applaudissements)
(et personne n’en dira jamais rien)
« Et ma cliente pourra attendre quelques minutes, je ne recevrai pas de plainte. » Cela vaudra en douce vengeance aux reproches reçus lorsqu’il était enfant. Il ne pensait pas lui en vouloir autant, mais au final, lui aussi demeure humain malgré sa froideur de statue. Et ses défauts sont existants.
« Conservez le mouchoir, j’en ai d’autres. » Des petits carrés de tissus fragilement ornés des initiales de sa mère qui emplissent ce qui était autrefois son tiroir à sous-vêtement. Ce n’est pas Vitold qui l’a débarrassa, celui-ci, laissant la tâche à Crapaud et les affaires qui s’y trouvaient, qui n’occupent plus l’armoire et la commande, sont certainement stockés au grenier dans une vieille malle.
« Vous pouvez me tutoyer mais je dois vous prévenir, Kalen, j’aurais plus de mal. L’habitude. » L’éducation aussi. « Vous m’accompagnez ? » Son bras se relève à nouveau, il est prêt à le soutenir s’il en ressent le besoin. L’épaisseur du manteau, comme de sa chemise, lui feront à peine sentir le contact de toute façon. « Vous êtes donc en ville depuis peu – pour visite, pour travail ? »
(peut-être ont-ils constaté le départ de son père, de la même manière, dans un silence assourdissant et quelques applaudissements)
(et personne n’en dira jamais rien)
« Et ma cliente pourra attendre quelques minutes, je ne recevrai pas de plainte. » Cela vaudra en douce vengeance aux reproches reçus lorsqu’il était enfant. Il ne pensait pas lui en vouloir autant, mais au final, lui aussi demeure humain malgré sa froideur de statue. Et ses défauts sont existants.
« Conservez le mouchoir, j’en ai d’autres. » Des petits carrés de tissus fragilement ornés des initiales de sa mère qui emplissent ce qui était autrefois son tiroir à sous-vêtement. Ce n’est pas Vitold qui l’a débarrassa, celui-ci, laissant la tâche à Crapaud et les affaires qui s’y trouvaient, qui n’occupent plus l’armoire et la commande, sont certainement stockés au grenier dans une vieille malle.
« Vous pouvez me tutoyer mais je dois vous prévenir, Kalen, j’aurais plus de mal. L’habitude. » L’éducation aussi. « Vous m’accompagnez ? » Son bras se relève à nouveau, il est prêt à le soutenir s’il en ressent le besoin. L’épaisseur du manteau, comme de sa chemise, lui feront à peine sentir le contact de toute façon. « Vous êtes donc en ville depuis peu – pour visite, pour travail ? »
Kalen Blackwood
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Debout sur ses deux jambes un peu branlantes, le monde lui paraissait presque différent mais c’était surtout la silhouette de son interlocuteur qui le marquait. Plus grand, plus fin, presque mystique, il ressemblait à une ombre capable de vous engloutir tout entier. Kalen ne broncha pas pour autant et maintenu le regard de Vitold qui avait entreprit de le rassurer. Déranger quelqu’un était le dernier de ses souhaits même si d’une façon inexplicable il ne voulait pas s’esquiver dans l’immédiat et avait espéré entendre une telle réponse de sa part. « Non. » Il secoua la tête avant de se reprendre d’une voix moins dure. « Inutile d’appeler quelqu’un je veux dire. Je peux te suivre, je serais peut-être plus lent, c’est tout. » Il n’avait nulle envie de rameuter toute la ville, encore moins son père dont le tempérament du jour n’était pas au beau fixe. Dans ces cas-là il était plus judicieux de se cacher et de le laisser dans son coin sous peine de recevoir de quelconques représailles tout sauf agréables. « D’accord, merci. » Il considéra un instant le mouchoir comme un bien précieux qu’il avait souillé d’une tâche de sang et le fourra dans sa poche. Chaque don avait sa signification, c’était ainsi qu’il voyait les choses et ce carré de tissu n’échapperait pas à la règle. « Je comprends… Si je t’ai vexé, je continuerais de te vouvoyer, je ne veux pas vous mettre mal à l’aise avec les habitudes. » Il avait du mal à cerner l’individu tout en sentant au fond de ses tripes qu’il pouvait lui faire confiance, suffisamment pour le suivre jusque sa demeure. Comment était sa demeure ? Il la voyait étriquée et grande à la fois, une sorte de temple où s’amoncelaient les objets que lui seul savait retrouver, une certaine forme d’ordre dérangé. Peut-être était-il complètement à côté de la réalité, le futur le lui dirait mais la curiosité sincère imprégnait ses traits rougis par le carmin séché. « Oui. » D’un signe du menton il accepta la requête tandis que sa main s’appuyait délicatement sur son bras en guise de béquille. La douleur était infime néanmoins le contact lui permettrait de se raccrocher en cas de chute soudaine ; ce qu’il ne disait pas c’était les causes qui l’avaient fait flancher en premier lieu. Kalen n’avait aucun souci de santé physique, le mal était ailleurs, dans un esprit chahuté par des apparitions diverses et variées sans justification aucune. Manque de chance pour lui, son traitement était resté dans la petite boite en fer au fond du tiroir de la salle de bain. « Ni l’un ni l’autre. Je suis né ici. » Commença-t-il en cherchant ses mots avec minutie, parfois lui-même ne comprenait pas vraiment ce qu’il fichait dans le coin. « Ma mère est originaire d’ici mais nous sommes partis quand j’étais petit lorsqu’elle est décédée, maintenant que mon père est malade, il a préféré retrouver la famille juste au cas où. » Ce qui était paradoxale après avoir exigé de sa part de ne pas chercher à communiquer avec eux dans l’immédiat. « Disons que je suis là pour un petit moment. » Conclu-t-il d’un léger haussement d’épaules. « Et toi, ça fait longtemps que t’es ici ? »
Vitold Chokowski
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Si le tutoiement le pince, il n’en laisse rien paraitre, menant son pas vers la ruelle qui longe le port, le bras ferme contre le sien. Kalen peut sentir sous sa paume le fer inoxydable de sa musculature, forgée par l’habitude des cadavres qu’il soulève et maintient non sans effort. Celui qui se tient à ses côté en a la couleur qui s’étiole. Reprend des zones plus cramoisies à ses joues, à ses tempes. Une soupe ne pourra que lui faire le plus grand bien, pense-t-il tout de même en écoutant ses réponses.
« Il ne me semble pas avoir entendu votre nom de famille. » Insiste-t-il vaguement, en fronçant les sourcils. Un « Kalen » originaire de la ville, même en l’ayant quitté assez tôt, n’aurait pu qu’éveiller son esprit – là est la force des Chokowski, ils ont, parait-il, une excellente mémoire. Mais pour celui-ci, aucun écho, aucune main tendue, pas d’instinct. « Nous vivons et travaillons ici depuis quelques générations. Nous avons une enseigne, peu en parlent. Sauf au bon moment. » Il est jeune – plus jeune que lui, asurément. Des airs enfantins d’agneau égaré et mal à l’aise. Une impression qui pourrait bien se renforcer alors que la maison se dessine sur toute sa hauteur, toujours soigneusement camouflée dans l’ombre. « Je suis navré pour votre père, j'espère que ce n'est pas trop grave. » L’enseigne dorée, au-dessus de sa sonnette, prévenant le métier funeste de son propriétaire.
Et la porte vitrée protégée par des grilles en fer. Vitold sort sa clef, jouant avec les anses de son sac de course pour ne rien laisser paraitre, et lui tient la lourde porte pour le laisser passer. A l’accueil, le petit bureau servant de réception, et les ornements funestes, plaques de marbre ou de fer, avec les couronnes de fleurs séchées. Vitold n’aime pas le plastique, tant pis pour la cuisine en formica.
La lumière qui s’allume, pâle et tremblante, rajoute à l’angoissante atmosphère de la petite pièce. « Venez. » Il franchit une autre porte, sur ses quartiers privés. Un escalier en face, deux couloirs en croix, un menant vers le salon puis le jardin, l’autre à son horizontal, vers la cuisine, les toilettes et son bureau. Il tourne à gauche, vise la première. Un homme en sort, le regard jaune, les cheveux gris, âgé et méfiant et méfiant, de moitié sa taille. Il caquette quelque chose dans un français épouvantable que peu ne peuvent comprendre. Vitold lui tend le sac de course. « Monsieur est tombé dans la rue, il s’est blessé. Reste-t-il de la soupe ? » Crapaud retourne, d’un pas boiteux, aux fourneaux.
« Vous voulez boire quelque chose ? Nous avons du café, ou autre chose si vous préférez. » La cuisine est dans son jus, la table jaune en plastique, les carreaux délavés fleuris, une vieille ambiance des années 70. Proprement dégueulasse mais nettoyée. Vitold ne plaisante pas avec la propreté, et tant pis pour le vieillard aux habits sombres et froissés qui réchauffe déjà une vieille casserole sur l’une des plaques de gaz du four.
« Il ne me semble pas avoir entendu votre nom de famille. » Insiste-t-il vaguement, en fronçant les sourcils. Un « Kalen » originaire de la ville, même en l’ayant quitté assez tôt, n’aurait pu qu’éveiller son esprit – là est la force des Chokowski, ils ont, parait-il, une excellente mémoire. Mais pour celui-ci, aucun écho, aucune main tendue, pas d’instinct. « Nous vivons et travaillons ici depuis quelques générations. Nous avons une enseigne, peu en parlent. Sauf au bon moment. » Il est jeune – plus jeune que lui, asurément. Des airs enfantins d’agneau égaré et mal à l’aise. Une impression qui pourrait bien se renforcer alors que la maison se dessine sur toute sa hauteur, toujours soigneusement camouflée dans l’ombre. « Je suis navré pour votre père, j'espère que ce n'est pas trop grave. » L’enseigne dorée, au-dessus de sa sonnette, prévenant le métier funeste de son propriétaire.
« Chokowski – thanatopracteur ; funérarium »
Et la porte vitrée protégée par des grilles en fer. Vitold sort sa clef, jouant avec les anses de son sac de course pour ne rien laisser paraitre, et lui tient la lourde porte pour le laisser passer. A l’accueil, le petit bureau servant de réception, et les ornements funestes, plaques de marbre ou de fer, avec les couronnes de fleurs séchées. Vitold n’aime pas le plastique, tant pis pour la cuisine en formica.
La lumière qui s’allume, pâle et tremblante, rajoute à l’angoissante atmosphère de la petite pièce. « Venez. » Il franchit une autre porte, sur ses quartiers privés. Un escalier en face, deux couloirs en croix, un menant vers le salon puis le jardin, l’autre à son horizontal, vers la cuisine, les toilettes et son bureau. Il tourne à gauche, vise la première. Un homme en sort, le regard jaune, les cheveux gris, âgé et méfiant et méfiant, de moitié sa taille. Il caquette quelque chose dans un français épouvantable que peu ne peuvent comprendre. Vitold lui tend le sac de course. « Monsieur est tombé dans la rue, il s’est blessé. Reste-t-il de la soupe ? » Crapaud retourne, d’un pas boiteux, aux fourneaux.
« Vous voulez boire quelque chose ? Nous avons du café, ou autre chose si vous préférez. » La cuisine est dans son jus, la table jaune en plastique, les carreaux délavés fleuris, une vieille ambiance des années 70. Proprement dégueulasse mais nettoyée. Vitold ne plaisante pas avec la propreté, et tant pis pour le vieillard aux habits sombres et froissés qui réchauffe déjà une vieille casserole sur l’une des plaques de gaz du four.